« Myriam ne s’est pas suicidée. » 7 ans après, la famille de la gendarme Sakhri dénonce l’enquête partiale

 « Myriam ne s’est pas suicidée. » 7 ans après, la famille de la gendarme Sakhri dénonce l’enquête partiale

Myriam Sakhri

Sept ans après le drame, la famille de la gendarme Myriam Sakhri, cherche toujours à comprendre ce qui s’est réellement passé le 24 septembre 2011. Ce matin-là, Myriam Sakhri, une gendarme de 32 ans était retrouvée morte dans son appartement de fonction à Lyon, une balle dans l’abdomen, son arme de service à ses pieds.

L’enquête de l’inspection générale de la gendarmerie (IGGN) a conclu à un suicide. Selon elle, ce sont des raisons personnelles qui auraient poussé Myriam Sakhri à mettre fin à ses jours. La famille a toujours contesté cette version. Elle rappelle que quelques mois avant sa mort, Myriam Sakhri avait dénoncé des comportements racistes de certains de ses collègues à sa hiérarchie qui n’avait rien voulu entendre, la poussant à dénoncer les faits au Procureur de la République par le biais d’une plainte pénale qu’elle n’aura pas eu le temps de déposer.

« Elle était victime de racisme, de discrimination et de harcèlement moral, et son intention de déposer plainte avait entraîné des pressions sur elle et notre famille. On voulait la faire taire », relatent ses proches. « Elle était aussi en contact avec une association de défense des droits des militaires », précisent-ils encore.

« Parce qu’il existe trop de zones d’ombre autour de cette affaire et pour montrer que nous n’abandonnerons jamais notre combat pour la justice et la vérité », l’entourage de Myriam Sakhri appelle à venir manifester devant le nouveau palais de justice de Lyon ce mercredi 24 octobre prochain à 15 heures.

Nous avons joint Farida, la sœur de la défunte et Gérard, son beau-frère.

LCDL : Sept ans se sont écoulés depuis la mort de Myriam. Comment-vous sentez-vous ?

Nous sommes très en colère avec le sentiment d’avoir été pris pour des imbéciles. C’est pour cela que nous sommes déterminés plus que jamais à faire éclater la vérité. Cela a duré trop longtemps.

C’est-à-dire ?

Depuis le début, l’enquête a été partiale. Trouvez-vous normal qu’elle ait été conduite par les mêmes gendarmes de l’IGGN qui n’avaient pas voulu entendre les dénonciations de Myriam sur la discrimination et le racisme envers elle, mais surtout envers les usagers, commises quotidiennement par certains de ses collègues du centre d’appel de la gendarmerie ? Trouvez-vous normal que ce soient ses collègues et supérieurs mis en cause qui aient été les premiers sur la scène de crime ?

Nous avons demandé à maintes reprises que l’enquête soit dirigée par la police, pas par la gendarmerie. On ne peut pas être juge et partie. Le procureur a refusé. Il s’était pourtant engagé à ce que l’enquête soit confiée à des gendarmes qui ne soient pas proches de l’équipe de Lyon. Il n’en a rien été. On nous a menti… Tous les témoignages qui contredisaient la thèse du suicide ont été balayés d’un revers de main.

De plus, depuis le départ, nous avons demandé en vain une contre-analyse des scellés parmi lesquels se trouvent des ordinateurs et des téléphones. La justice a jugé, mais quand on réclame la restitution des scellés, on nous répond aujourd’hui que c’est la propriété de l’Etat. On a même répondu à notre précédent avocat que les scellés avaient été détruits !

Le jour de la mort de Myriam, les scellés ont été très vite enlevés de l’appartement, bien avant que l’autopsie ne soit effectuée, comme si les gendarmes avaient quelque chose à se reprocher ou à cacher. Par ailleurs, lors de la découverte d’une deuxième douille percutée sous le canapé lors du déménagement de ses affaires, nous avons fait intervenir des experts en balistique de la Police Nationale. Les gendarmes et le Procureur nous ont répondu que sa présence était justifiée par un petit oubli lors d’essais de tirs ! De qui se moque-t-on ?

Vous avez également été entendus par les gendarmes enquêteurs…

Oui. Au début de l’enquête, nous avons été entendus individuellement pendant six heures. Ils ont essayé de nous faire signer des auditions qui ne nous convenaient pas.

A notre arrivée au poste, les gendarmes nous ont immédiatement parlé de suicide. Nous leur avons dit tout de suite que nous ne croyions pas en leur version et que nous allions en informer les médias. C’est à cet instant que les intimidations ont recommencé.

L’un d’entre eux nous a menacés : si nous parlions à la presse, les gendarmes saliraient l’image de Myriam. Nous avons répondu : « Elle est morte, vous ne pourrez pas lui faire pire ». Et quand notre avocat de l’époque a demandé à ce que nous soyons de nouveau entendus, nous l’avons été pendant quelques minutes seulement… Presque toutes nos demandes ont été refusées. La justice est restée sourde à nos questions qui demeurent aujourd’hui…

Il semblerait qu’aujourd’hui, vous ayez de nouveaux éléments ?

Oui. Depuis plusieurs mois, nous avons connaissance des témoins directs et indirects de la vérité. Nous attendions qu’ils se manifestent spontanément. Aujourd’hui nous nous adressons à eux sans détour : « vous avez la possibilité sans aucun risque de vous libérer du secret qui vous ronge depuis sept ans. »

Pour vous, Myriam ne s’est donc pas suicidée ?

Nous n’avons jamais été dans le déni. Cependant, l’enquête montre une flagrante partialité et de nombreux manques. Cela pose question…

Myriam n’avait aucune raison de mettre fin à sa vie. Le jour de sa mort, nous l’avons eu au téléphone : elle allait très bien. Elle venait de réussir le concours pour devenir Officier de Police Judiciaire. Myriam était également pompier volontaire. Elle entraînait des jeunes dans un club de sport. Elle avait une vie bien remplie. Elle aimait la vie. C’était une personne positive.

Selon vous donc, que s’est-il passé ce 24 septembre 2011 ?

Pour nous, Myriam a été éliminée, éradiquée ni plus ni moins. Par qui ? Etait-ce prémédité ? Nous ne le savons pas. Myriam faisait l’objet d’intimidations de la part de certains de ses collègues et supérieurs. Elle avait dénoncé auprès de sa hiérarchie des propos racistes émanant de certains gendarmes. Elle était harcelée. Elle était menacée par quelques collègues qui lui disaient : « Fais gaffe à ce que tu dis, tu vas avoir de gros problèmes ! ».

Deux jours avant son décès, elle allait lancer une procédure auprès d’un avocat. Ce dossier n’a jamais été retrouvé. On espère qu’il est dans les scellés. C’est pour cela qu’on veut récupérer ses affaires, ses objets électroniques et éventuellement des documents papiers. On pense que Myriam avait trouvé des choses. « Du lourd » , pour reprendre ses propres termes.

Que comptez-vous faire ?

Nous avons mandaté un nouvel avocat, maître Jean-Christophe Basson-Larbi, avocat au Barreau de Paris qui est en train d’étudier toutes les options stratégiques et judiciaires destinées à nous permettre de faire la lumière sur ce drame. L’objectif est que la justice française soit de nouveau saisie de ce dossier et mène une enquête indépendante et impartiale.

Nous souhaitons que les responsables – directs ou indirects – de ce drame soient clairement reconnus comme tels et répondent de leurs actes. L’ouverture d’une nouvelle enquête qui ne soit pas confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale serait la meilleure solution.  Une enquête qui garantisse une appréciation des faits objective. Sans qu’aucune pression, d’aucune sorte, ne puisse être exercée sur les témoins et notamment sur les collègues de Myriam.

 

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Nadir Dendoune