Kahina Carina : La « présence » toute en douceur

 Kahina Carina : La « présence » toute en douceur

crédit photo : Guillaume Plas au Cinq Codet

L’actrice Kahina Carina brille dans la série « Jusqu’ici, tout va bien », réalisée par Nawell Madani qui sort aujourd’hui sur Netflix. Entourée d’un prestigieux casting (Carima Amarouche, Paola Locatelli, Djebril Zonga), la comédienne française d’origine kabyle s’y impose dans le rôle d’une mère dépassée par les événements. Portrait.

Kahina Carina occupe l’espace délicatement sans forcer. Quelques mots, un grand sourire marqué par une fossette et un « je ne sais quoi » comme diraient les Américains, qui donne envie d’en savoir plus sur l’actrice. Même le store bruyant du café n’arrive pas à interrompre l’interview. Elle n’a pas besoin d’élever la voix ou de s’énerver. Avec elle, tout coule de source et ça fait du bien dans ce monde de paraître.

Née à Paris au sein d’une famille d’hôteliers kabyles, Kahina Carina tombe amoureuse du cinéma à l’âge de 8 ans. « Il m’a suffit de regarder « Autant en emporte le vent » pour rêver à mes premiers rôles de princesse. Nous n’allions pas forcément au théâtre mais plutôt à des concerts. J’avais l’impression qu’actrice était le seul métier qui existait. Cela s’est confirmé à l’adolescence. »

Inscrite en classe préparatoire du Cours Florent dés ses 14 ans, elle entame ses études théâtrales avant sa majorité. Repérée par un agent, elle débute très jeune les castings malgré une appréhension normale de ses parents. « Ils flippaient mais me faisaient particulièrement confiance. A leur place, j’aurais aussi été en panique (rires) ! A l’adolescence, je me voyais dans des rôles de films d’action puis d’auteurs. Finalement, mon envie dans ce métier n’a cessé d’évoluer. »

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Une « guerrière » qui s’impose paisiblement

Admiratrice de Meryl Streep et de Marion Cotillard, Kahina Carina garde un regard lucide sur le cinéma et l’audiovisuel. Elle sait imposer son charme naturel à la Audrey Hepburn, à qui elle emprunte simplicité, classe et sophistication. « J’avais une personnalité introvertie. Ce métier m’a aidé car il te confronte à ta personnalité.  Au départ, je sacralisais beaucoup ce métier. Jeune, je ne m’identifiais pas à quelqu’un car en tant que kabyle typée, je n’avais pas vraiment de références. Chaque étape (castings, petits rôles, rôles principaux) a toujours été comme une chance. »

Présente au générique de plusieurs séries (Les Bleus, RIS, Alice Nevers, Section de recherches, Jo, etc..) ou de films prestigieux comme Gibraltar, Kahina Carina nous accompagne sur nos écrans depuis une quinzaine d’années. Et si elle a un prénom de combattante berbère, elle n’est pas du genre à porter le fer à tout prix pour y arriver. » J’ai du mal avec le phénomène de lutte. Quand on en fait trop, c’est que l’on n’est pas à sa place. Par exemple, j’ai refusé des rôles car il y avait des scènes d’amour que je ne fais pas, ou parce que le projet n’était pas intéressant. J’ai besoin d’être validée, d’une forme de fluidité et que les planètes s’alignent. Quand ça devient trop compliqué, je me remets en question. Le plus dur, c’est de ne pas trouver sa place dans ce métier. »

Kahina Carina : la présence tout en douceur

crédit photo : Guillaume Plas au Cinq Codet

Emue par la photographe Vivian Maier

Touche-à-tout, elle continue encore aujourd’hui à en découvrir ses nombreuses facettes. Que ce soit en cours dans les ateliers Pygmalion, dans l’écriture ou à la réalisation de clips, elle conserve toujours un rapport sain avec l’image. Pratiquant souvent la photographie en noir et blanc, elle se passionne pour Cartier-Bresson, Doisneau et surtout l’américaine Vivian Maier qui connaitra la gloire après sa mort. « L’histoire de cette femme nounou et photographe en argentique m’a fait pleurer. Ses pellicules ont été conservées dans un box avant que son talent n’explose mondialement. Pour ma part, je fais beaucoup de portraits ou de photos durant les plateaux. Cela nourrit mes rôles. J’aime prendre des moments suspendus en préservant la notion de plaisir et de passion. C’est l’acte photographique qui m’importe ! »

Après un tournage avec Nicolas Cage (« Croisades »), elle explose médiatiquement et auprès du public dans le film Braqueurs de Julien Leclercq. Pour autant, elle n’est pas du genre à rêver secrètement d’Hollywood et de ses feux de la rampe. « J’ai toujours pensé que jouer dans son propre pays est important. J’ai envie de défendre des choses ici car j’ai du mal à m’ancrer dans un projet sans certitudes. »

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Une méditerranéenne avant tout

Se définissant comme actrice française, la question de ses origines ne s’est jamais vraiment posée à elle. « J’ai eu des rôles très différents sans que l’on se réfère forcément à mes origines. De mon coté, j’ai eu une éducation où l’on ne se définissait vraiment pas autour de ces questions. Je n’ai pas senti la différence. C’est vraiment, il y a peu, que j’ai pris conscience que l’on pouvait ne pas me considérer comme « blanche » sur un tournage. Il faut dire que la fenêtre de rôles s’est élargie. Peut-être que l’on ose plus aussi ! Dorénavant, les réseaux sociaux ont permis aux minorités de se voir dans n’importe quel aspect de la société.  La visibilité est plus grande et tant mieux !  »

Kahina Carina : la présence tout en douceur

crédit photo : Guillaume Plas au Cinq Codet

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Mère dépassée chez Nawell Madani

Appréhendant l’envie d’être « the right person in the right place at the right time », elle participe aux castings de la série alors en préparation de Nawell Madani pour la plateforme Netflix. « Je pensais que le personnage était plus âgé. Je suis arrivée sur la fin de la sélection. A la deuxième rencontre avec Nawell, elle a emmené les comédiens sur le terrain de l’improvisation. Je me suis laissée aller à sa direction d’acteurs. Nous avons passé un trop bon moment. »

Dans cette série « Jusqu’ici, tout va bien », l’ancienne du Jamel Comedy Club joue le rôle d’une journaliste empêtrée dans un chaos qui met sa famille dans la ligne de mire d’un baron de la drogue. Kahina Carina, pour sa part, hérite du personnage de la soeur de l’héroïne : une maman célibataire de deux enfants qu’elle n’arrive plus à gérer. Un rôle qu’elle a du composer complètement. « Je n’ai pas d’enfants. Mon rôle de mère dans Pilote de Paul Doucet m’avait déjà permis de travailler l’expérience de l’instinct maternel. J’ai pu jouer sur le doute du personnage et ma propre vie. J’avais peur de ne pas être crédible et Nawell a su en faire une force. Cela a renforcé notre complicité avec Paola Locatelli qui joue ma fille. Le personnage doit sans cesse basculer entre une relation amicale avec son enfant et imposer une autorité qu’elle n’a pas. »

Avec ce rôle, on s’identifie totalement à Kahina Carina et aux tourments de cette maman courage. Grâce à la psychologie dont elle se nourrit au quotidien, elle a su imposer son énergie positive et discrète. Une grande actrice, présente sans trop en faire !

 

 

 

 

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.