Nawell Madani : « Rêver est un luxe »

 Nawell Madani : « Rêver est un luxe »

Crédit photo : Ahmed Badhhodh


La comédienne belgo-algérienne signe son premier long-métrage “C’est tout pour moi” où elle incarne son propre rôle. Inspirée de son histoire, cette success story entend insuffler du rêve dans la vie des spectateurs. Humour, émotion, bande-son rythmée et fraîcheur sont à l’affiche. 


Comment est née votre envie de raconter votre histoire au cinéma, à travers une fiction ?


Au départ, c’était l’idée d’un producteur, qui m’avait vue sur scène. Mais je voulais une certaine liberté, une distance par rapport à mon histoire. Je voulais faire un film qui transmette la gagne, à l’instar de Rocky Balboa, Flashdance, Million Dollar Baby… Et je ne trouvais pas de films francophones qui donnent envie de croire en ses rêves. Les success stories parlent uniquement des grandes stars, souvent déjà décédées. Cette thématique me plaisait, car j’ai l’impression qu’aujourd’hui, rêver est un luxe. Je rencontre beaucoup de jeunes, ils ne sont pas mus par des rêves, et choisissent souvent un métier parce qu’il y aura du travail à vie.


 


Vous teniez à éviter les “déjà-vu”, les clichés sur les familles maghrébines…


Oui car c’est une famille comme les autres. Comme le personnage du père dans le film, le mien ne m’a pas freinée dans mon émancipation pour des raisons traditionnelles ou culturelles. C’est juste un père qui a peur de perdre sa fille, mais aussi qu’elle se perde elle-même. Il y a un fossé générationnel entre eux. Il voulait que je sois médecin ou avocate, alors que je rêvais de hip-hop, de scène et de lumière. C’était peut-être ingrat pour mes parents car ils trimaient comme des dingues, et moi je voulais vivre de ma passion, ce qui reste un luxe pour une famille modeste.


 


Le film montre le côté salvateur de la scène, que l’héroïne découvre en prison…


C’est dans l’enfermement qu’elle a trouvé sa liberté. C’est ce que je voulais symboliser. C’est souvent quand on touche le fond qu’on trouve de nouvelles ressources, est-ce l’instinct de survie ?


 


Vous dépeignez un milieu du stand-up impitoyable…


Et encore, j’ai édulcoré, c’est beaucoup plus dur que ça ! Comme tous les métiers à dominante masculine, c’est difficile d’être une femme et de s’octroyer les mêmes libertés. Il faut se battre sur tous les fronts : sur scène, avec le public et médiatiquement. C’est un métier égocentrique, où l’on veut être le meilleur, ce n’est pas un travail d’équipe. Moi je viens d’une troupe de danse où le collectif prime. J'ai travaillé avec des acteurs amateurs car je recherchais la spontanéité et de l’authenticité.


 


Qu’est-ce que ce film a changé pour vous ?


J’ai appris énormément : comment faire un film, depuis l’écriture jusqu’à la distribution en passant par l’étalonnage, le mixage… ça a été très compliqué mais j’ai relevé chaque jour le défi pour le porter jusqu’au bout. Je suis déjà en train d’écrire un nouveau scénario. C’est impressionnant de voir ce que le film provoque chez les spectateurs aux avant-premières. Certains oublient leur maladie pendant 1 h 30, d’autres se décident à renouer le dialogue avec leurs parents, ou se redonnent le droit de rêver… Ce partage avec le public, c’est de l’ordre du merveilleux ! 


MAGAZINE NOVEMBRE 2017



C’EST TOUT POUR MOI, de Nawell Madani et Ludovic Colbeau-Justin, UGC

La rédaction du Courrier de l'Atlas