Les maux de la société tunisienne sur grand écran à Cannes

 Les maux de la société tunisienne sur grand écran à Cannes

« Sous les figues » d’Erige Sehiri suit le difficile quotidien d’ouvrières agricoles en Tunisie.

Avec « Sous les figues » et « Harka », c’est un condensé du mal-être de la société tunisienne que Cannes donne à voir cette semaine. Entre harcèlement des femmes, marginalisation des campagnes, absence d’opportunités pour la jeunesse, la Tunisie ressemble pour certains à une prison de laquelle ils ne peuvent s’évader que par l’émigration irrégulière.

« Nos pays sont très beaux, mais les gens étouffent à l’intérieur », raconte la réalisatrice Erige Sehiri. La cinéaste originaire de Tunisie se rend à Cannes cette année pour son film « Sous les figues ». Elle y dépeint une jeunesse au bord de l’explosion.

Après son documentaire remarqué sur les dysfonctionnements de la compagnie tunisienne de chemin de fer, « La voie normale », la jeune réalisatrice s’attaque à l’épineuse question du harcèlement des femmes en milieu rural. Son premier long-métrage sera en projection samedi à la Quinzaine des réalisateurs.

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Dans un champ de figuiers de la Tunisie rurale, on y suit le difficile quotidien d’ouvrières agricoles. Malgré des figuiers à perte de vue et le sentiment d’espace et de liberté qui devrait s’en dégager, le spectateur est saisi d’une tout autre impression. Celle d’un huis clos oppressant dont ces femmes ne peuvent s’échapper.

 

« Les jeunes étouffent »

« J’avais envie de dire : “Regardez, c’est beau, mais c’est tout”. Nos pays sont comme ça, ils sont très beaux, mais les jeunes étouffent à l’intérieur », explique la réalisatrice à l’AFP. Dans ce film comme dans la réalité, les femmes sont traquées, harcelées, certaines échappant de justesse à une agression sexuelle.

Telle la cueillette d’une figue, le corps des femmes est prêt à être « cueilli » par les hommes. Des hommes qui sont, selon elle, aussi dans la souffrance face à l’impossibilité de pouvoir vivre, librement, leur sexualité.

 

Désespoir

Même pays, même impression de désespoir dans le film « Harka » en compétition dans la sélection officielle. Ali, jeune Tunisien, vivote de l’essence de contrebande qu’il vend sur un bout de trottoir. Une manière pour le film d’interroger l’héritage de la révolution tunisienne qui avait précipité le Printemps arabe. Plus de 10 ans après l’immolation de Mohamed Bouazizi, les classes populaires n’ont vu aucune amélioration de leurs conditions de vie.

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En outre, corruption, absence d’opportunité, pauvreté endémique place la jeunesse au bord de l’implosion. La seule option selon Ali : quitter la Tunisie pour l’Europe. Comme tant d’autres, il compte tenter sa chance la dangereuse route de la Méditerranée.

Le film décrit parfaitement les rouages d’une société qui empêche les êtres de s’émanciper. Au point où elle les conduit, inévitablement, à l’aliénation. Surtout, il montre « le désespoir d’une génération qui se sent empêchée de vivre », analyse auprès de l’AFP le réalisateur Lotfy Nathan.

Rached Cherif