L’institution du mariage en perte de vitesse en Tunisie

 L’institution du mariage en perte de vitesse en Tunisie

Faisant suite à une récente étude, les causes et les conséquences économiques et sociales de la baisse des mariages et du taux de natalité en Tunisie ont fait l’objet d’un débat organisé le 4 janvier 2023 en présence du directeur de l’institut Sigma Conseil, Hassen Zargouni.

Les courbes des mariages et des naissances sont édifiantes

Selon les données de l’Institut national de la statistique (INS), le nombre de contrats de mariage a enregistré « une baisse remarquable » en Tunisie durant ces 7 dernières années. Le taux de la baisse est estimé à près de 36%, soit plus du tiers. Il en résulte un recul des naissances d’environ 20%, ce à quoi s’ajoute un facteur de la baisse du taux de fécondité chez les femmes tunisiennes qui s’établit à 2,6.

Le rythme des naissances aurait toutefois repris, ce qui explique que le pays n’est pas encore exposé à un vieillissement important de sa population pour les quelques années à venir. Les contrats de mariage, dont le nombre s’établissait à 198 mille contrats en 2016 ont chuté à 65 mille contrats en 2020, soit une baisse de 33%.

La seule année 2020 a enregistré une baisse du taux de mariage estimé à 21% pour atteindre 65 mille contrats contre 83 mille contrats en 2019, avant la pandémie de Covid-19.

Cette baisse du nombre de contrats de mariage a été suivie par une baisse du nombre des naissances durant la période allant de 2016 à 2020, soit un taux de diminution estimé à 20,6%. Le nombre des naissances a baissé selon la même source, de 219 mille naissances en 2016 à 174 mille naissances en 2020.

 

Les difficultés économiques, clé de compréhension

Les intervenants ont insisté sur les difficultés économiques à l’origine du phénomène de la baisse du nombre des contrats de mariage ainsi que du recul de l’âge de mariage. L’Algérie serait également touchée par cette baisse, parallèlement aux pays européens, notamment la France où le nombre des mariages mixtes a en revanche connu un grand bond.

Evoquée par certains intervenants, la migration a un rôle non négligeable : une bonne part des 25-45 ans en Tunisie migrent de plus en plus à l’étranger les 10 dernières années. Vient ensuite la question des mutations sociétales : « vivre en couple ne veut plus dire se marier ».

En 2017, un mariage coûtait directement en moyenne près de 30 000 dinars en Tunisie, entre les préparatifs, la cérémonie et l’installation d’un nouveau foyer… mais ces frais sont en constante hausse, à l’aune d’une inflation désormais à deux chiffres en Tunisie. L’accès à l’immobilier devient par ailleurs complexe tant en locatif qu’en acquisition.

Autre volet de l’étude Sigma, l’âge du mariage recule aussi bien chez les femmes que chez les hommes, notamment en zones urbaines et particulièrement dans le Grand Tunis, où il est passé à 30-35 ans.

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Enfin, le taux de divorce a considérablement augmenté : de 30% en 10 ans, passant de 13 000 cas à près de 17 000 par an. Une donnée qui encourage d’autant moins à l’engagement.

 

Comprendre la baisse des naissances

L’étude note les « difficultés de plus en plus constatées d’enfanter pour beaucoup de couples pour des raisons de santé, nutrition, hygiène de vie, problèmes congénitaux, etc. ».

De plus en plus de couples dont un membre au moins est tunisien se marient également à l’étranger, consécutivement à la vague de migration importante des 25-35 ans, des couples qui finissent par enfanter à l’étranger.

Au chapitre des conséquences, l’âge médian du mariage en Tunisie passe à 33 ans – il était de 19 ans en 1970, il est de 20 ans en Afrique, mais loin des moyennes d’âge en Europe où se marier à 40 ans est la nouvelle norme.

Mais la société tunisienne est aussi rattrapée par des problèmes de vieillissement, dont le financement des retraites, très peu d’actifs occupés (2,5 pour un retraité), l’absence de plan d’assistance aux personnes âgées et une dépendance vis-à-vis des TRE.

Seif Soudani