Ibn Tufayl et la Spiritualité

 Ibn Tufayl et la Spiritualité

A droite : Première page du manuscrit de Hayy Ibn Yaqdhân d’Ibn Tufayl. Crédit photo du texte : https://www.ias.edu/ Direction de la bibliothèque de manuscrits Süleymaniye

 

Remise en question, quête de sens, aspiration à un monde meilleur… Le coronavirus et son corollaire, le confinement réveillent chez beaucoup une certaine forme de spiritualité. C’est dans ce sens que l’histoire de « Hayy Ibn Yaqdhân » d’Abu Bakr Ibn Tufayl est particulièrement intéressante. Cet ouvrage majeur qui a notamment inspiré à Daniel Defoe le personnage mythique de Robinson Crusoé  et à Voltaire ses fameux contes philosophiques, est surtout considéré comme le premier roman philosophique de l’histoire de la littérature. Rédigé au XIIème siècle par ce philosophe, scientifique et mystique soufi,  Hayy Ibn Yaqdhân, ou le Philosophe autodidacte, est l’un des ouvrages les plus importants de la culture du monde arabo-musulman.

 

Hayy Ibn Yaqdhân (Vivant fils de l’éveillé) est l’histoire de Hayy, un jeune garçon né, sans père ni mère, sur une île, complètement seul et isolé du reste du monde. Il est alors adopté par une gazelle, qui l’allaite. L’enfant observe ce qui l’entoure et réfléchit beaucoup. Lorsque la gazelle décédera, Hayy prend alors conscience du phénomène de la vie, et part à la recherche du sens de l’existence.

 

Doté d’une intelligence supérieure, Hayy acquiert une multitude de savoirs, notamment la physique et l’astronomie. Bientôt, et par la seule force de son raisonnement, il accédera aux connaissances les plus élevées que la science humaine a de l’univers. Il atteint les secrets de l’être, il comprend que les êtres qui l’entourent comportent la multiplicité et l’unité : s’ils sont multiples par leurs formes, ils sont une même et unique chose quant à l’essence. Au stade final de son auto-initiation, Hayy recherche alors l’union intime avec Dieu.

 

Ce n’est qu’à la suite de son rapprochement avec le divin que Hayy rencontre pour la première fois un être humain, Açâl. Ils noueront rapidement des liens, Açâl vivant son existence comme une quête spirituelle et Hayy arrivant presque à la fin de son apprentissage. Açâl apprend alors à Hayy sa langue, tandis que Hayy lui partage les secrets de ses découvertes.

 

Enthousiaste, Açâl propose à Hayy d’aller prodiguer ses enseignements à la ville de l’île voisine. C’est une déception pour ce dernier. La société humaine n’est pas préparée à entendre de telles paroles, qu’elle ne parvient pas à saisir.

 

Hayy comprend alors que la révélation divine n’est saisie par les hommes que dans son aspect exotérique (dhâhir) et non ésotérique (bâtin). Pour Hayy, l’être social humain est, en majorité, réduit à se noyer dans des sciences pratiques qui l’aveuglent et le détournent de la vérité. Il décide alors de retourner sur son île, en compagnie de Açâl, son frère en connaissance.

 

Dans ce récit, Ibn Tufayl nous livre sa réflexion majeure, à savoir que l’éveil de l’individu ne repose sur aucun pré-acquis issu d’une quelconque tradition ou langage, mais se base uniquement sur la raison universelle.

 

>> Lire aussi :

 

 

 

 

Malika El Kettani