Maroc. Oui le roi est bien vivant !

 Maroc. Oui le roi est bien vivant !

Une photo distribuée par le Palais royal marocain le 14 octobre 2022 montre le roi Mohammed VI du Maroc, accompagné du prince héritier Moulay Hassan, prononçant un discours devant le Parlement, à l’occasion de l’ouverture de la première session de la deuxième année législative de la 11e législature. PALAIS ROYAL MAROCAIN – AFP

« Dans une vidéo, le roi apparaît accompagné du prince héritier », « Le roi est bien portant », « le roi est rentré » ! Étonnante rhétorique pour ces titres choisis par des médias tout ce qu’il y a de plus marocain dont le premier rôle est d’abord d’informer ou à minima de s’interroger en cas de doute et ne pas s’émouvoir et encore moins de céder aux sirènes des rumeurs fussent-elles aussi insistantes.

 

Bien sûr, plus la ficelle est grosse, plus  ça passe, on a inscrit le monarque sur une nécrologie douteuse comme on l’a remarié sur les colonnes d’une presse people de bas étage, mais ce qui étonne réellement, c’est bien la réaction de la presse mainstream qui semble bien soulagée de revoir le souverain en chair et en os, de surcroît, présider la rentrée parlementaire.

Alors que le premier rôle des médias, c’est de rétablir la vérité, surtout quand on sait bien d’où vient la propagande anti-marocaine sur fond de haine antimonarchique. Des médias comme Echourouk El Moudjahid, Echaab, ou encore la très officielle Radio Algérie s’en donnent à cœur joie dans une surenchère à qui sera le plus hostile au palais de Rabat. Une surenchère qui a connu son summum avec la caricature du souverain dans une émission satirique de la chaîne Echourouk en février 2021 qui a suscité une vive polémique, au sein même de la population algérienne sur les réseaux sociaux. 

Si beaucoup de journalistes de ce côté-ci de la frontière, se sont astreints à une sagesse qui les empêche de plonger tête baissée dans ce débat empoisonné, où chaque infox porte son poids de  fiel, cela n’empêche pas une vigilance accrue contre des médias, fussent-ils étrangers qui ne respectent pas le premier commandement de la presse : « aucune atteinte à la vie privée et aucune accusation sans réponse de la personne incriminée ».

Les généraux algériens qui usent à satiété de la « guerre hybride » (hybrid warfare) – décrite par Robert H. Walker, officier américain des Marines, en 1998 et qui désigne des méthodes subversives (désinformation, trolling, etc.) dont l’objectif est de déstabiliser un adversaire et de lui infliger le maximum de dommages sur les plans sécuritaire, économique, politique, énergétique -, se trompent de cible et enragent de ne pas voir leurs projets de déstabilisation menés à terme. 

Mais pourquoi diable, le régime algérien dépense autant d’argent, autant d’énergie pour s’attaquer au voisin marocain ? Le royaume est-il devenu aussi puissant pour provoquer de l’urticaire aux résidents du Palais de la Mouradia ? On est bien tenté de le croire si on en croit les analystes occidentaux qui s’accordent à voir dans le royaume le nouveau dragon d’Afrique et en Mohammed VI, un influenceur pas comme les autres dont la voix porte très loin, une parole qui compte et qui contribue désormais à la stabilité du monde, si on s’en tient aux missions de bons offices que lance le monarque en toute discrétion en Afrique et au Moyen-Orient. 

C’est en grande partie grâce à l’entregent et aux décisions géostratégiques majeures prises par le monarque que le royaume est en train de devenir incontournable pour tout acteur qui veut avoir un pied-à-terre en Afrique et cela fait enrager la nomenklatura algérienne, comme il met le souverain en première ligne face aux puissances hégémoniques, à commencer par la France qui est en train de perdre pied dans le continent noir. L’histoire est passée par là.

Ajoutons à cela la difficulté pour les services secrets occidentaux, et à leur tête la DGSE française, d’infiltrer les cercles décisionnaires qui gravitent autour du palais. Fini l’ère des Oufkir, des Dlimi et des Basri qui rendaient compte à la métropole en temps réel des mouvements du roi défunt. 

Pourtant, Mohammed VI n’a rien à cacher. Comment exerce-t-il son pouvoir? Nul besoin d’être devin pour constater que le roi assume bien ses fonctions constitutionnelles et représentatives. C’est notamment lui qui ouvre et ferme les sessions du Parlement, auquel il laisse un exercice réel du pouvoir. 

Si on sait qu’il reçoit chaque matin, de la part du gouvernement, des services secrets, des représentations diplomatiques les rapports, des projets de lois, des propositions de nominations, des notes confidentielles et autres télégrammes diplomatiques, on peut estimer que Mohammed VI est non seulement le plus informé des Marocains mais aussi celui qui connaît tous les rouages de la société marocaine et ceux qui font et défont l’actualité, de la base au sommet. Ce qui en fait forcément une cible de choix pour les ennemis du royaume et Dieu Seul sait combien ils sont nombreux aujourd’hui !

Bien sûr la décision d’ignorer ce que disent ces vidéos préfabriquées, ces ratés en série d’articles, tous plus absurdes les uns que les autres, de ne donner aucune importance à ces pannes de sens téléguidées, de sens ne devrait pas nous faire oublier qu’à l’heure où l’actu s’invite brutalement sur les écrans de nos smartphones, il y a encore des populations dont la crédulité légendaire pousse à gober n’importe quoi, sur n’importe qui, en témoigne le succès des vidéos trash et des infox les plus impossibles. 

Une communication de crise ne devrait surtout pas devenir une crise de la communication et gérer la communication, ce n’est pas seulement choisir, c’est aussi anticiper. A en croire les paroles de Josep Borrell lors d’un vibrant discours adressé, le 10 octobre, aux ambassadeurs européens « tout est devenu une arme: l’énergie, les investissements, l’information, les flux migratoires, les données »

A propos de la guerre informationnelle, le haut représentant de l’Union européenne a encouragé ses pairs à « s’engager davantage dans la bataille des narratifs ». « Ce n’est pas secondaire ; on ne remporte pas les guerres en envoyant seulement des tanks, des missiles ou des troupes, a-t-il martelé. C’est un grand combat : qui va gagner les esprits et les âmes des gens ? »

 

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Abdellatif El Azizi