Algérie : Le procès Matoub peut-être en juillet

Le procès des deux auteurs présumés de l’assassinat de Lounès Matoub, grand chanteur kabyle, commis le 25 juin 1998 au cœur de la décennie noire qui a frappé de plein fouet l’Algérie, devrait se tenir en ce mois de juillet, mais la date précise n’a pas encore été fixée, a déclaré l’avocat de l’un  des deux accusés au journal francophone El-Watan.

La famille et les amis ainsi que l’opinion publique s’impatientent selon la presse algérienne, se demandant si en réalité on veut réellement tenir un procès. Tout porte à croire, selon le déroulement de l’enquête et les reports incessants que des forces occultes empêchent la bonne tenue d’un jugement.

La victime considérée, porte-parole et icône de la culture berbère, avait  été assassinée en 1998 à l’âge de 42 ans, à 5 km de la ville de Tizi-Ouzou, à l’est d’Alger, à quelques kilomètres de son village natal. L’assassinat avait été revendiqué par un chef du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) en mai 1999, Hassan Hattab, qui s’est rendu en octobre 2007.

Deux hommes, Malik Madjnoun et Abdelhakim Chenoui sont en prison depuis 12 ans, accusés d’avoir participé à cet attentat commis par un groupe de dix personnes, dont huit sont ou en état de fuite ou abattus par les  forces de sécurité. Le procès ouvert alors le 9 juillet 2008 avait été suspendu à la demande de la famille de la victime, non convaincue quant au bon déroulement de l’enquête, et pour permettre d’apporter un complément d’éléments jugés indispensables.

A présent, la justice a annoncé avoir bouclé sa nouvelle enquête le 16 juin dernier. Le magistrat chargé de ce complément d’instruction a saisi le procureur général l’informant que l’enquête est close.

L’opinion publique s’en est mêlée aussi faisant pression et demandant des explications sur cette longue détention «provisoire» des deux accusés Malik Madjnoun et Abdelhakim Chenoui. Les questions qui se posent : s’ils sont coupables, pourquoi le procès n’a pas eu lieu à ce jour et s’ils sont innocents pourquoi les avoir arbitrairement emprisonnés toutes ces années ?

Les deux avocats de Malik Madjnoun ont déclaré lors d’une conférence tenue mercredi dernier que le complément d’enquête en question n’a pas abouti puisque même les témoins classés par la famille n’ont pas été cités à comparaître. Au cours de la même conférence, les deux avocats ont pointé du doigt la justice puisque Hassan Hattab qui s’était rendu de plein gré à la justice pour revendiquer le meurtre, n’a pas été entendu !

L’avocat de Nadia Matoub, la veuve du chanteur, Me Salah Hannoun, déclare à ce propos: «Juger deux personnes dans des conditions douteuses n’est pas un gage de crédibilité pour ce procès, puisque la chaîne des responsabilités pénales n’a pas été remontée. Ceux qui sont en charge de ce dossier sont conscients que la revendication de justice et de vérité sera toujours une exigence populaire.»

La veuve Nadia Matoub mène la bataille juridique avec ses deux sœurs Ouarda et Farida Brahimi témoins oculaires, puisqu’elles accompagnaient le chanteur le jour de l’attentat et ont été elles aussi touchées par balles. Malika Matoub quant à elle, sœur de la victime, a réclamé une reconstitution du crime. “Il ne peut pas y avoir de procès Matoub sans qu’on sache comment il est mort, a-t-elle affirmé à El-Watan, ajoutant: “Je défie quiconque de me dire comment il est mort. Jusque-là, ce ne sont que des spéculations”.

Sur fond de dissonances familiales, la veuve du chanteur affirme que le groupe islamique armé (GIA) est responsable de cet assassinat. Quant à la propre mère de la victime ainsi que sa sœur ne l’entendent pas de cette oreille, et persistent à ne vouloir écarter aucune hypothèse, à l’instar de celle d’un crime de facture politique qui serait perpétré par le pouvoir !                       

S.L




 

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