France – À Dunkerque, pas de moutons pour l’aïd

 France – À Dunkerque, pas de moutons pour l’aïd

A Dunkerque

Année après année, les abattoirs ferment inlassablement. Pour beaucoup de fidèles, il est devenu très compliqué de faire abattre son mouton. À Dunkerque, dans le Nord-Pas-de-Calais, la situation a nécessité la tenue d’une réunion entre les membres du conseil de l’Islam (CID), le CRCM et le sous-préfet. À contre cœur, les autorités musulmanes ont appelé les fidèles à fêter l’aïd, mais sans abattre de bêtes.

Jusqu’à l’an dernier, la communauté urbaine de Dunkerque installait des bennes sur le parking de l’ancien abattoir pour récupérer les carcasses et les peaux. Une façon diplomate de fermer les yeux. Cette année, la sous-préfecture a mis son veto.

Le sous-préfet, Bernard Dujardin, l’a annoncé lors d’une réunion début octobre : « Le CUD ne mettra pas de bennes cette année », avant de rappeler que « les abattages clandestins sont formellement interdits ». Et les contrevenants vont devoir se méfier, puisque les amendes peuvent aller de 1 500 à 3 000 euros.

Sahin Altinisik, vice-président du CID préfère tempérer : « Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a jamais eu d’amendes délivrées dans ce sens. Le sous-préfet en a parlé mais je ne pense pas que les policiers vont guetter le contrevenant, enfin, j’espère… ».

Des fidèles inquiets et démunis

Pour de nombreux musulmans, c’est l’inquiétude qui prédomine. Bahssine Saaïdi, président du conseil régional du culte musulman (CRCM) du Pas-de-Calais abonde dans ce sens : « J’ai reçu beaucoup de coups de téléphone de fidèles qui s’inquiètent. Les gens ont peur d’avoir des contraventions et de se retrouver par la suite engagés dans des procès très coûteux ».

Au CID, on tient le même discours : « Des gens m’ont appelé pour me demander s’il allait y avoir beaucoup de policiers et les lieux où ils seront postés », nous raconte Sahin Altinisik.

Peu d’alternatives pour les musulmans de la région. Il existe seulement 4 abattoirs et pour beaucoup, cela fait des kilomètres à parcourir et donc des frais supplémentaires. La sous-préfecture a bien proposé une solution : « Il faudrait acheter son propre mouton, attendre qu’une personne de l’abattoir de Douai passe récupérer l’ensemble des moutons à Dunkerque puis les ramène abattus le jour même, ou le lendemain », nous détaille Bahssine Saaïdi. Une solution onéreuse, car en plus du coût de la bête, entre 80 et 130 euros, il faudrait rajouter 60 euros pour l’abattre. Pas loin de 200 euros pour fêter l’aïd.

Les autorités musulmanes ont tranché en attendant mieux

Face à la polémique, le conseil de l’Islam a tranché. Ils ont invité les fidèles à faire la fête mais sans abattre de mouton. « La décision a été prise à l’unanimité. Le message a été clairement relayé auprès des fidèles », précise Sahin Altinisik.

Mais pour éviter la récurrence de ce problème dans les prochaines années, les autorités tentent de trouver des solutions. Une première alternative va être étudiée dès aujourd’hui par le CID et le CRCM. Une délégation va se rendre à Douai pour superviser un abattoir mobile qui pourrait permettre d’abattre 1 800 bêtes sur les trois jours, de façon à combler le manque d’abattoirs dans la région. Celui de Dunkerque a fermé en 2008, et de nombreux autres continuent à fermer leur porte.

Chez les autorités musulmanes, on dénonce également une réglementation trop stricte pour l’hygiène et la sécurité dans les abattoirs français en comparaison avec la Belgique ou la Hollande.

Bahssine Saaïdi le promet : « C’est mon objectif prioritaire avant la fin de l’année. Je veux travailler sur cette question et envoyer un courrier au préfet pour trouver une solution ». Comme celle de créer un abattoir temporaire lors de la fête dans une région qui n’en compte aucun alors qu’il y en a 58 sur le reste du territoire.

En attendant, de nombreux musulmans de Dunkerque vont devoir se passer de moutons pour l’Aïd cette année. Sûr que la fête n’aura pas le même goût.

Jonathan Ardines

Jonathan Ardines