France. Interview de Rim’K : « L’immigration, rouage essentiel de la réussite du pays »

 France. Interview de Rim’K : « L’immigration, rouage essentiel de la réussite du pays »

Rim’K : « Jamais je ne mènerai des actions politiques ou religieuses


Le rappeur du 113 revient sur le devant de la scène médiatique avec un troisième album solo, « Chef de Famille ». Au China à Paris hier soir lundi pour un show-case, l’artiste franco-algérien a pris le temps de nous parler de son album, de ses projets à venir, de l’islamophobie et du printemps arabe. Interview.


 


Le Courrier de l’Atlas : Te voilà de retour avec un 3ème album, « Chef de Famille », qui sortira le 11 juin…


Rim’K : Ce disque est plus éclectique, plus fourni que mes deux albums précédents. Avec 17 chansons, il y a de quoi faire (sourire). Je construis mes disques comme une histoire, celle-ci est un peu plus longue que les autres. Le disque s’écoute d’un trait, il y a un début et une fin.


Comme c’est le troisième, il fallait que je retrace mon parcours, que je parle du passé pour expliquer certaines choses qui auraient pu être mal comprises par mon public.


 


Un album plus mature, comme le laisse penser le titre ?


Oui, « Chef de famille » car je suis plus posé dans ma vie, plus tranquille. Mais aussi parce que tu te rends comptes qu’en vrai, il n’y a que la famille qui compte réellement. C’est aussi symbolique. On est des leaders du rap français et on doit faire attention. On a un devoir par rapport au message qu’on fait passer à travers notre musique.


 


Un message qui manque selon toi dans la nouvelle scène du rap français ?


Techniquement et dans la force, ils sont encore meilleurs qu’avant, le fond par contre, on est en train de le perdre. Le rap vient des quartiers, c’est un cri de la rue, je trouve qu’il perd son âme. Je suis loin d’être nostalgique, je m’adapte, comme je le disais dans un de mes morceaux. Mais cela ne m’empêche pas de trouver dommage que certains jeunes apprennent avant tout le rap business. Il y a des enjeux qu’il n’y avait pas auparavant.


 


Grand Corps Malade, Booba, Kader Japonais…, il y a encore de nombreux featurings sur ton album. Tu aimes travailler avec toutes sortes d’artistes ?


Rim’K : Pour moi la musique, c’est un partage. Je la fais comme elle est écoutée, par un maximum de personnes. Je travaille autant avec un artiste connu dans le monde entier qu’avec un mec de mon quartier qui débute. Le plus important pour moi, c’est d’être toujours dans le kif, dans les rapports humains.


 


Cela fait maintenant plus de 15 ans que tu tiens le haut du pavé, tu commences à penser à la suite ?


Franchement, au départ, on ne se posait pas cette question. Mais quand je regarde dans le rétroviseur, je me rends compte qu’on a réalisé tout ce qu’on voulait dans le rap. On a tout fait, des concerts partout, vendu des milliers de disques. Aujourd’hui, je me rapproche un peu du cinéma. J’ai fait 2 ou 3 rôles par ci par là, je réalise de plus en plus de musiques de films. C’est quelque chose qui m’intéresse. L’image est une vraie force d’expression. Je bosse l’écriture, réfléchit à des scénarios, mais j’y vais doucement et avec humilité. C’est un milieu différent, j’ai tout à apprendre.


 


Tu as toujours été un rappeur engagé, on pourrait te voir un jour t’engager au niveau local ?


Je suis engagé socialement, je mène régulièrement des actions dans les quartiers. Mais jamais je ne mènerai des actions politiques ou religieuses. Si je peux aider à diffuser des messages grâce à mon expérience, tant mieux mais je ne suis pas là pour influencer. J’aide en apportant une force médiatique et artistique.


Dans notre ville (Vitry-sur-Seine), on a monté avec mon groupe 113 et le joueur du PSG Jérémy Ménez, le Noël des quartiers. Noël est une excuse, c’est surtout un moment de rassemblement avec des jeunes des quartiers qui n’ont pas eu la même chance que les autres. On organise des tournois, ils repartent avec des cadeaux. On prépare cette année la 3e édition.


Il y a peu, j’étais à la fête des quartiers de Bondy, je suis toujours sur le terrain, je réponds présent quand on a besoin de moi. On ne se reconnaît pas dans la politique, on se débrouille nous-mêmes.


 


On a connu une islamophobie exacerbée durant 5 ans en France, comment l’as-tu vécue ?


Je l’ai vécue très mal, comme tous les musulmans de France. Mais ce n’est pas un sentiment nouveau. Tout petit, tu le ressens déjà, à la cantine, à l’école puis quand tu commences à chercher du boulot. Désormais, j’ai un statut social, je paye des impôts, mais ça ne change rien, ce climat me dégoûte toujours autant.


 


Toujours très présente dans tes albums précédents, quelle place occupe l’Algérie et plus généralement le Maghreb dans ton nouvel album ?


Toujours une place importante. J’ai fait un morceau, « Les oubliés », qui traite de l’immigration française. C’est un hommage à tous ces immigrés morts pour la France, à une génération qui a apporté énormément à l’hexagone. L’immigration est un rouage essentiel de la réussite de notre pays.


Je défends des valeurs, je combats les amalgames religieux qu’ « ils » créent autour de nous. Avec une dose de provocation, comme lorsque je dis dans ma chanson qu’ils veulent « faire tomber les minarets ».


 


As-tu été surpris par l’arrivée du Printemps arabe ?


J’ai eu la chance d’aller souvent dans ces pays-là par le passé. Ça restait fermé ; culturellement et artistiquement, il y avait une grosse pression. Je discutais avec les gens, ils me confiaient que la vie était de plus en plus difficile. La répression battait son plein, personne ne pouvait rien dire. Un moment donné, il fallait bien que les gouvernements payent l’addition.


Propos recueillis par Jonathan Ardines


 


Rim’K sera en concert dès juillet en Algérie, Tunisie et Maroc.




 

Jonathan Ardines