Libye – Une poudrière aux portes de la Tunisie

 Libye – Une poudrière aux portes de la Tunisie

L’Airbus appartenant à Tunisair a été immobilisé près de 7 heures sur la piste de l’aéroport de Mitiga

Alors qu’ils se limitaient jusqu’ici à de petites escarmouches aux frontières tuniso-libyennes, la série de nouveaux incidents impliquant tous des Libyens en armes a tout d’une dangereuse escalade. Une gifle cinglante pour les plus optimistes sur le devenir de la révolution libyenne. Elle a l’effet d’une piqûre de rappel, s’agissant d’une situation particulièrement volatile aux portes d’une Tunisie pacifique : un cocktail explosif favorisant l’émergence d’un nouvel havre de paix pour Al Qaïda.

Rappel des faits : Lundi 21 novembre, empêchés d’entrer en Tunisie par des gardes-frontières au point de passage de Ras Jedir, un groupe de Libyens armés tirent plusieurs coups de feu en l’air. L’incident contraint le poste frontalier de Ras Jedir à la fermeture côté tunisien pendant deux heures.

Des tirs de sommation qui n’ont rien d’anodin dans la mesure où ils sonnent comme un renversement des rapports de force entre des gardes armés d’un côté, et des libyens en transit de l’autre, désormais mieux armés encore, brandissant des armes lourdes avec arrogance, à la moindre contrariété.

Selon une source sécuritaire tunisienne, l’absence de responsables au centre frontalier du côté libyen contribue au climat d’insécurité qui prévaut dans cette zone. En partie à l’origine de ces dépassements de plus en plus fréquents, la très sensible question des blessés de guerre libyens cherchant encore à recevoir des soins en Tunisie, pays réputé pour son système de santé beaucoup plus évolué et disposant de plus de lits d’hôpitaux que le pourtant plus riche voisin libyen.

Affaire de l’A320 de Tunisair, une quasi prise d’otage

Bien qu’ayant fait preuve d’une hospitalité exemplaire lors du conflit libyen ayant provoqué un afflux massif de réfugiés (jusqu’à 1 million au total), les Tunisiens doivent toujours faire face à une susceptibilité à fleur de peau côté libyen, dès lors qu’il s’agit de porter assistance à d’ex combattants libyens rebelles.

Ils ont pu le constater à leurs dépens dans l’après-midi mouvementée du samedi 26 novembre qui a vu l’immobilisation près de 7 heures d’un Airbus appartenant à Tunisair sur la piste de l’aéroport de Mitiga, à proximité de Tripoli.

L’avion qui transportait 47 libyens dont des blessés et 7 tunisiens, a frôlé une attaque en règle par des assaillants armés voulant embarquer illégalement plus de blessés libyens, si ce n’était la vigilance du commandant de bord qui a bloqué les portes de l’appareil juste à temps en les voyant arriver.

S’en est suivi un bras de fer entre gens en armes, autorités locales et même deux représentants de l’ambassade tunisienne venus négocier une sortie de crise. L’avion n’embarquera finalement aucun libyen.

L’incident, plus qu’inquiétant, a cependant provoqué la suspension des vols de Tunisair pour d’évidentes raisons de sécurité vers Tripoli jusqu’à nouvel ordre. En attendant que l’ordre soit rétabli aux abords des aéroports de la capitale, les vols continuent néanmoins vers Benghazi.

Quid d’Al Qaïda ?

Loi des séries, simple coïncidence ou phénomènes globaux liés, Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) reprend du poil de la bête. Alors que la région avait connu une trêve relative, les combattants djihadistes étant très probablement mobilisés par l’effort de guerre anti loyaliste en Libye, AQMI vient de procéder à sa première prise d’otage depuis plusieurs mois.

Elle fut spectaculaire, a eu pour théâtre le nord du Mali, et a eu lieu au grand jour. Deux Français ont été enlevés dans la nuit de mercredi à jeudi à Hombori. Puis vendredi soir, trois ressortissants étrangers de nationalité sud-africaine, néerlandaise et suédoise ont été capturés à Tombouctou, dans le centre du Mali cette fois.

Même si un semblant de gouvernement de transition a finalement pu être formé en Libye, Abdelhakim Belhaj, chef militaire de la rébellion et ex djihadiste d’Al Qaïda, ex détenu de la CIA, est toujours en position de force dans le pays. Il revendique notamment une mainmise sur Tripoli dont il est le gouverneur militaire autoproclamé.

Difficile aujourd’hui même pour les experts du terrorisme international de dire à quel point l’homme a pris ses distances avec la nébuleuse djihadiste.

En attendant, dans le chaos post révolution libyenne, des dizaines de milliers d’armes sont en libre circulation aux portes d’une Tunisie non armée en dehors des forces de l’ordre et de sa petite armée nationale.

Seif Soudani

Seif Soudani