Tunisie. Crise à l’Assemblée constituante: Farhat Horchani prône la voie de la sagesse universaliste

 Tunisie. Crise à l’Assemblée constituante: Farhat Horchani prône la voie de la sagesse universaliste

« Le problème à l’Assemblée est cette manière de procéder de la majorité qui met au pied du mur les élus minoritaires

Alors que la mobilisation de la société civile en Tunisie reste très importante dans la rue, les nouveaux élus de l’Assemblée constituante (AC) sont de plus en plus appelés par des experts en droit constitutionnel à se tourner vers une alternative plus universaliste qui diviserait moins une Assemblée déjà en crise et rassurerait l’opinion.

Nous avions déjà interviewé Chafik Sarsar, l’un des experts membres du comité présidé par Yadh Ben Achour, mandaté pour faire des propositions de textes aux commissions de l’Assemblée chargées des deux volets de l’organisation provisoire des pouvoirs publiques et du règlement intérieur de l’AC.

Cette fois, un autre éminent juriste appartenant au même comité nous a accordé un entretien exclusif concernant le volet le plus important de ces propositions : celui du projet de Constitution.

Farhat Horchani n’en est pas à son coup d’essai. Ex président de la sous-commission des élections relevant de la Commission nationale de la réforme politique et de la transition démocratique, cet agrégé en droit public fait partie de ceux qui, depuis la révolution, n’ont jamais cessé d’œuvrer dans l’ombre, mettant à contribution ses compétences reconnues au profit de la transition démocratique.

C’est aussi un droit-de-l’hommiste et un défenseur convaincu de l’universalisme qui nous a assuré que le travail de son équipe porte l’empreinte avant-gardiste d’un ensemble de patriotes appartenant aux élites du pays, et pas seulement celle de Yadh Ben Achour.

Visionnaire, à la veille de la contagion au corps enseignant d’une contestation qui allait se transformer en sit-in permanent, Farhat Horchani prévient : « Le problème à l’Assemblée est cette manière de procéder de la majorité qui met au pied du mur les élus minoritaires, avec des projets de textes déjà prêts ».

Déjà sous pression, la troïka, qui a dû suspendre hier mercredi le travail des commissions spécialisées suite à divers blocages et dissensions internes, n’est pas au bout de ses peines. Chaque jour, les manifestants devant le siège de l’Assemblée sont plus nombreux, 2.000 hier, ils étaient près de 5 000 ce matin jeudi, et incluent désormais des chômeurs du bassin minier de Gafsa.

Une exportation des conflits sociaux du sud tunisien qui n’est pas sans rappeler les précédents sit-ins dits de la Kasbah 1 et 2, aux conséquences que l’on connait pour le pouvoir de l’époque.

« Les libertés doivent devenir intouchables »

Dans cet entretien, le juriste a été ferme sur la nécessité pour l’Assemblée actuelle de ne pas se détourner de certains rôles essentiels qui, s’ils sont respectés, permettraient de désamorcer la crise : préserver les acquis déjà contenus dans l’ancienne constitution ; accorder une primauté aux questions relevant de la dignité (dont la criminalisation de la torture et la justice sociale), et « l’inscription une fois pour toutes de certaines valeurs non négociables comme l’égalité homme-femme, les libertés individuelles et académiques », afin que les Tunisiens ne soient plus jamais inquiets d’éventuelles atteintes à ces acquis.

Quant à savoir quelles sont les chances pour qu’un tel projet ambitieux (sur l’abolition de la peine de mort notamment) soit adopté avec la majorité actuelle, l’homme préfère rester optimiste : « Il n’y a pas de raison a priori que les partis ayant obtenu des scores élevés aillent contre leurs promesses, si tant est qu’ils soient honnêtes et cohérents », a-t-il affirmé. Une façon de suggérer que la vigilance reste de mise, même s’il ne s’agit pas de verser dans le procès d’intention.

Seif Soudani

Seif Soudani