Al Khansa, la plus grande poétesse arabe

 Al Khansa, la plus grande poétesse arabe

crédit photo : Pierre Huguet/Biosphoto/AFP


Célèbre pour ses élégies funèbres à la mémoire de ses frères, cette femme de lettres a marqué la poésie de la période préislamique. Sa vie est une suite de deuils qu’elle va transcender dans des poèmes parmi les plus beaux de la littérature arabe.


Tumadir Bint Amr, surnommée Al-Khansa, naît à la fin du VIIe siècle, à l’époque préislamique (avant 610), dans une riche famille du Nejd, de la tribu arabe des Abou Soulaym. Avec ses deux frères Sakhr et Mou’awiya, elle fait partie des “Moukhadramines”, ceux nés à la charnière des époques préislamique et islamique.


 


On la dit belle et d’un port princier. En âge de se marier, la jeune femme rejette la demande de Dourayd Ibnou ­Assamma, un poète de noble ascendance, riche et vieux, refusant toute union hors de sa tribu.


 


Elle épouse finalement son cousin, Rawaha, mais il se révèle joueur, buveur et très dépensier. Par deux fois au bord de la misère, Al-Khansa reçoit l’aide financière de son frère Sakhr. Divorcée, elle se remarie avec un autre de ses cousins, Mirdass, dont elle aura quatre fils. En 629, elle rencontre le prophète Mohamed et se convertit à l’Islam.


 


Toute son existence sera marquée du sceau de la mort. Son frère Mou’awiya est assassiné par une tribu rivale. Suivant la coutume chez les Arabes de cette époque, elle demande à Sakhr de le venger. La mort frappe à nouveau car, à son tour, ce dernier succombe à une blessure au combat. Il était le frère adoré auquel elle vouait un amour quasi-obsessionnel. Pour lui, elle écrira des élégies funèbres, “marathi”, parmi les plus belles de toute la littérature arabe. Elle le pleure jusqu’à en perdre la vue.


 


Les poèmes d’Al-Khansa se répandent. Elle reçoit l’hommage de ses pairs masculins, qui la considèrent comme celle qui porte ce genre littéraire à des sommets encore ­jamais égalés.


 


 


Ses élégies sont rassemblées en 802


 


Selon la tradition, elle se rend chaque année au grand marché d’Uqaz, à La Mecque, où tous les poètes viennent rencontrer leur aîné, Al-Dhubyani Al-Nabigha, pour lui présenter leurs écrits. Elle émerveille le maître par son génie. Le prophète lui-même est impressionné. Il la faisait asseoir auprès de lui et lui disait : “Fais-moi entendre ta poésie, ô Khannousa !” révélant par ce diminutif toute l’affection qu’il lui portait.


 


La poétesse sera encore frappée par la fatalité. Ses quatre fils, convertis à l’Islam, partent faire le jihad et meurent tous à la bataille d’Al-Qadisiyya. Inconsolable, elle meurt vers la moitié du VIIe siècle, sous le califat d’Omar Ibn Al-Khattab.


 


Deux siècles plus tard, en 802, à l’époque abbasside, toutes ses élégies sont rassemblées par le philologue Ibn Al-Sikkit, dans Diwan Al-Khansa, un recueil de plus de 1 000 vers. L’œuvre a été traduite depuis en plusieurs langues. Une édition critique a été réalisée en 1888 par l’orientaliste Louis Cheikho.  


 

Fatema Chahid