SIEL 2018 : L’immigration marocaine aux Pays-Bas

 SIEL 2018 : L’immigration marocaine aux Pays-Bas

Kassem Achahboun


Le Salon International de l'Edition et du Livre recèle une belle pépite au stand du CCME. Laissez-vous tenter par l'univers touchant de l'exposition sur les travailleurs marocains (souvent du Rif) partis s'installer aux Pays-Bas. Une immigration peu connue mais qui a bénéficié d'une relative bienveillance dans ce pays d'Europe.


Une famille réunie autour du père en djellaba, les premières chambres de travailleurs à Gouda, les réussites de jeunes parlementaires…Autant de photographies qui laissent la porte ouverte à la découverte d'un univers incroyable. Celui de l'immigration marocaine aux Pays-Bas, qui contrairement à celle plus connue vers la France, a eu lieu un peu plus tard, dans les années 70. 


Parti en 1990, Kacem Achahboun, citoyen hollandais d'origine marocaine est parti de Tetouan pour rejoindre des membres de sa famille. "Pour comprendre l'immigration marocaine aux Pays-Bas, il convient de se rappeler la migration des Marocains du Rif. Il faut savoir qu'il y a toujours eu des marocains qui partaient travailler en tant que saisonnier en Algérie française. Il y a cette tradition d'aller chercher fortune ailleurs"


Comme d'autres, certains rifains vont vers la France dans les années 60. "Les premiers immigrés rifains à être partis en Europe sont allés en France mais aussi en Allemagne où il y avait des besoins dans la sidérurgie et l'automobile. Ils venaient pour la plupart de villes près de Nador, nous explique Kacem. De là, certains d'entre eux sont partis aux Pays-Bas où les salaires étaient meilleurs". Surprenant quand on sait que la plupart des immigrés ne parlaient pas un mot de hollandais. "C'est le côté surprenant de cette immigration. Ca se faisait par la voie familliale. Ils savaient s'adapter même sans connaitre la langue, la culture du pays d'accueil. D'ailleurs, à l'époque, un travailleur marocain qui arrivait à trouver un contrat pour un proche, on disait qu'il lui avait obtenu le visa".Comme pour la plupart des immigrés, il s'agissait surtout d'hommes au début qui voyaient leurs présence aux Pays Bas comme provisoire. Les femmes vont arriver surtout à partir de 1969 à la suite d'un accord entre le Maroc et les Pays-Bas et vont travailler dans le textile ou dans l'hotellerie. 


"L'installation des immigrés marocains s'est bien passée notamment avec une meilleure connaissance des lois du pays d'accueil. Il faut savoir que les Pays-Bas ont un système particulier. Vous avez la possibilité de créer une école musulmane, avec un tronc commun de programmes avec les autres écoles. La liberté de culte est une chose importante dans le pays et l'Islam comme les autres religions a bénéficié des aides de l'Etat puisqu'on arrive à 45 écoles musulmanes financés par l'Etat". 


La première génération a été plutôt bien accueillie par les hollandais comme aime à le rappeler Kacem Achahboun. "Les hollandais aimaient les travailleurs marocains car ils étaient à l'écoute de leurs doléances. D'ailleurs les marocains ne vivaient pas dans des ghettos. On peut reconnaitre que les municipalités ont fait une erreur en mettant leurs constructions peu chères dans des coins un peu éloignés. Et comme les marocains cherchaient à se loger à bas prix, ils sont allés dans ces quartiers. Mais ça n'a rien à voir avec Paris et ses banlieues"


Une immigration qui se base sur la compréhension mutuelle et de bons rapports jusqu'aux attentats de 2001. "A partir de là, il y a eu un sentiment de suspicion, que l'on avait pas ressenti avant. Le fait que Theo Van Gogh soit assassiné par un musulman, qui plus est marocain, a créé des crispations. Par contre, il faut savoir que le racisme est très peu accepté aux Pays Bas. Par exemple, Geert Wilders, du parti d'extreme droite, s'est fait condamner pour des propos où il avait dit qu'il y avait trop de marocains et qu'il allait s'en débarrasser".


Une immigration importante dans ce petit pays européen qui a plutôt réussi dans son immense majorité. On trouve des professeurs, des docteurs, des acteurs sociaux, des businessman, des joueurs mais aussi des maires de villes importantes comme Aboutaleb à Amsterdam ou Marcouch à Arnhem, et près de 7 députés d'origine marocaine."La communauté marocaine a très bien réussie mais vous savez, les médias préfèrent les trains qui n'arrivent pas à l'heure".


Et la relation avec le pays d'origine ne s'est jamais rompue. "Il faut savoir que près de 80% des immigrés marocains aux Pays-Bas viennent du Rif. Ils ont des familles restées au pays, des commerces qu'ils ont développés. Ils se sont aussi organisés avec des associations pour améliorer les conditions de vie de coins reculés du nord du Maroc. Ils sont encore liés même si on peut regretter que certains membres de l'autorité (policière notamment) se moquent d'eux ou les tourmentent lors de leurs séjours au Maroc. Ces petits actes de la vie quotidienne ont une incidence sur les dernières générations qui préfèrent dorénavant pour certains d'entre eux, partir en Espagne ou ailleurs plutôt qu'au Maroc".


Kassem n'oublie pas que les autorités marocaines ont fait des efforts pour améliorer l'accueil des immigrés dans les consulats marocains à Amsterdam. "Laissez moi vous raconter une anedocte. Auparavant, on passait la journée au consulat pour obtenir une pièce d'identité ou un passeport. Dorénavant, cela se fait dans un temps record d'une demi heure, une heure. La dernière fois, je rencontre une femme qui ressort du consulat avec des sandwichs. Son père lui avait tellement dit qu'elle allait y passer la journée qu'elle avait préparé de quoi manger dans la journée au cas où. Il faut reconnaitre que ça a changé !".


Une exposition et un livre à découvrir au stand du CCME lors du Salon International de l'Edition et du Livre de Casablanca. 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.