Soussia : village palestinien menacé de destruction symbole de la colonisation

 Soussia : village palestinien menacé de destruction symbole de la colonisation

Chassés de leurs maisons


Ils redoutent à chaque instant l'arrivée des bulldozers de l'armée israélienne. À Soussia, 340 hommes, femmes et enfants attendent anxieux et impuissants la destruction de leur village, déjà rasé à plusieurs reprises. Le petit village du sud de la Cisjordanie occupée est en passe de devenir le symbole de la colonisation israélienne qui grignote chaque année un peu plus de terrain et bloque entre autres un processus de paix déjà au point mort.


 


Faire de la place aux colons


Leur sort, loin d'être unique dans les Territoires occupés, est aujourd'hui au coeur de toutes les attentions : le département d'État américain a même indiqué « suivre de près » la question et mis en garde l'État hébreu contre « toute destruction à Soussia », qu'il considèrerait comme « une provocation ». Pour l'ONG israélienne B'Tselem, une fois les maisons démolies, « soit les colons vont directement s'emparer des terres, soit les autorités vont les saisir pour leur réattribuer ».


Le Cogat, l'organe du ministère israélien de la Défense chargé de coordonner les activités israéliennes dans les Territoires palestiniens, affirme que le « village s'est étendu de façon illégale et en dehors de sa zone historique », c'est-à-dire sans permis de construction. Il estime que la décision de la Cour suprême qui a refusé dans un arrêt en mai de geler les ordres de démolition devra être appliquée.


 


Trois expulsions en 30 ans


Il y a environ 30 ans, les Palestiniens de Soussia, près d'Hébron, ont été expulsés de leur village après sa destruction et ont reconstruit leurs maisons un peu plus loin sur leurs terres agricoles. Ça n'était que la première expulsion. Depuis il y en a eu deux autres, dont la dernière en 2001, rapporte l'ONG Rabbins pour les droits de l'Homme qui défend le village depuis des années devant les tribunaux israéliens.


Les habitants sont désormais installés sous des tentes ou dans des grottes naturelles. « Nous sommes inquiets, tout le temps sous pression depuis l'arrêt de la Cour suprême, on redoute que l'armée arrive pour tout détruire », raconte l'un d'eux Nasser Nawajaa. Selon les habitants, il s’agit de laisser la place aux colons – déjà près de 400 000 en Cisjordanie – dont les représentants sont très influents au sein du gouvernement de Benjamin Netanyahu.


 


Symbole de la politique de colonisation israélienne


Selon l'ONU, moins de 1 % de la zone C (territoires occupés sous contrôle militaire israélien) est réservé au développement de la construction pour les Palestiniens, contre 70 % pour les colons. Les 29 % restants sont soumis à de drastiques restrictions qui rendent quasi-impossible toute construction par les Palestiniens. « Aujourd'hui, ils veulent nous expulser pour dégager l'espace et y faire un parc pour les habitants de la colonie de Soussia implantés sur nos terres », affirme le chef du village.


La Cour suprême « utilise comme prétexte le fait qu'on n'aurait pas d'infrastructures dans notre village ». De fait, aucune route, aucune ligne téléphonique, ne relie les 340 Palestiniens de Soussia au reste du monde. Mais, « en fait, elles sont tout près », affirme Nasser Nawajaa. « À quelques mètres nous avons des conduits d'eau et d'électricité, mais ils (les Israéliens) nous en interdisent l'accès et les ont détournés vers la colonie de Soussia », accuse-t-il.


Ce sont ces colons de Soussia, aux côtés de l'organisation pro-colonisation Regavim, qui ont saisi la justice pour réclamer la démolition du village qu'ils appellent – cynique ironie – « colonie sauvage ». Au prix de plusieurs actions en justice pour différents motifs, la Cour suprême a finalement statué en faveur d'une démolition qui pourrait intervenir bientôt.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif