« On peut très vite être déconnecté de la réalité », Leila Chaibi fraîchement élue députée européenne

 « On peut très vite être déconnecté de la réalité », Leila Chaibi fraîchement élue députée européenne

Devant le Parlement européen à Bruxelles


A 36 ans, Leila Chaibi, membre de la France insoumise, vient d'être élue pour la première fois. Le 2 juillet prochain, cette responsable de la vie associative à Stains (93) siégera en compagnie de 5 autres collègues de son groupe, au Parlement européen. Interview. 


Impatiente de se mettre au travail, elle reconnait qu’il va falloir mettre « des garde-fous » pour ne pas être « déconnectée » de la réalité. « Au Parlement, tout le monde est au petit soin », lâche la toute nouvelle députée européenne, de retour de Bruxelles où elle a participé à des réunions. 


Vous attendiez-vous à être élue ? 


Oui et non ! Oui, car j'étais dans une position très éligible (NDLR : 3e sur la liste). Non, car même si tous mes camarades étaient persuadés que j’allais être élue, jusqu’à la veille du scrutin, j’avais toujours du mal à le croire. Il y a deux ans, je n’aurais jamais pensé être élue députée européenne. 


Votre famille doit-être fière …


Evidement. Tout le monde est très fier. Mon père est tunisien, il se trouve en Tunisie en ce moment. Toute ma famille paternelle a sauté de joie en apprenant la nouvelle. Mon père m’a dit il y a quelques années : « Rejoins le PS si tu veux être élue un jour ma fille ».


J’ai longtemps milité au NPA avant de rejoindre le Parti de gauche puis La France insoumise. Je n’ai jamais voulu aller au PS parce que je n'ai jamais fait de la politique pour obtenir un poste. Ce qui m'importe c’est d’être fidèle à mes valeurs. 


Vous revenez de Bruxelles, racontez-nous …


C’est immense ! On peut passer toute une journée sans mettre le pied dehors. Tout le monde est si gentil avec « les badges bleus » (NDLR : les badges des députés). Je ferai en sorte de ne pas rester enfermée et tenir une permanence à Paris. Il est important de continuer le travail de terrain, de se mettre des garde-fous. On peut très vite être déconnecté de la réalité. 


Avez-vous prévu de vous acheter une nouvelle garde-robe ? 


Non. Au Parlement européen, il n’y a pas de dress code ! Ce n’est pas l’Assemblée nationale ! Les hommes peuvent venir en jeans et les femmes en tenue décontractée. Ca m’arrange…


Que comptez-vous faire pendant ces cinq années au Parlement ? 


J’aimerais servir de « tisseuse de colères » contre les multinationales. Aider à la convergence des luttes à l'échelle européenne des travailleurs de McDonald's, Deliverro, Uber, et toutes ces boîtes qui sont présentes dans tous les pays européens.


Toutes ces entreprises malmènent les conditions de travail en piétinant les droits sociaux des pays dans lesquelles elles sont implantées. Ces multinationales utilisent l'Europe et les institutions européennes comme un terrain de jeu pour accroître toujours plus leurs bénéfices, bien souvent sans payer d'impôts.


Si les salariés de McDo de tous les pays d'Europe pouvaient s'allier et faire entendre leur voix à l'échelle européenne, ils auraient le poids suffisant pour affronter la direction de McDo sur son terrain avec un vrai rapport de force.


En tant que députée européenne, je peux faire le lien entre les luttes et les revendications des salariés précaires des multinationales de la restauration rapide, du commerce, des secteurs du service uberisés comme les livreurs à vélos. Et permettre de faire entrer leur voix dans un Parlement européen hyper technocratisé.

Nadir Dendoune