Hasni Abidi : « Il reste une zone d’ombre autour de la libération de Raqqa »

 Hasni Abidi : « Il reste une zone d’ombre autour de la libération de Raqqa »

AFP


MAGAZINE NOVEMBRE 2017


Enseignant à l’Université de Genève et membre du Panel international sur la sortie de la violence (Ipev), il est également directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cernam). Il évoque l’après-Daech à Raqqa.


Après quatre mois de combats, Raqqa, en Syrie, a été reprise aux forces jihadistes. Il va falloir maintenant réorganiser une ville en ruine. Une tâche difficile, notamment sur le plan politique…


L’après Etat islamique (EI) s’annonce délicat, même si les forces démocratiques syriennes (FDS) ont pris le soin de désigner certains notables, chef de tribus et hommes respectés par la communauté sunnite pour faire partie d’un conseil local et éviter les conditions qui ont fait le lit de Daech. Une ville a besoin de services publics, ils sont aujourd’hui complètement absents. Tout dépendra, notamment, de l’agenda des Etats qui sont derrière la création des FDS et ceux qui les ont financés et soutenus, comme les Etats-Unis, la Turquie ou la Jordanie.


 


Raqqa était la capitale de l’Etat islamique. Une ville sécurisée où s’organisaient et s’ordonnaient tous les attentats, notamment ceux qui ont touché l’Europe. Selon vous, Daech va-t-il avoir du mal à se relever ?


Pas vraiment. Il s’agit certes d’un revers de taille pour l’Etat islamique, mais ce dernier est loin d’être complètement essoufflé. Depuis le mois de juin, il se prépare à perdre Raqqa. Certains cadres de haut niveau se sont réinstallés ailleurs depuis un long moment. La ville était le lieu de commandement, mais cette capitale peut se reconstituer ou alors l’EI peut se contenter de poches de résistances, il y en a beaucoup en Syrie. Il peut même se déplacer de l’autre côté de la frontière et installer un nouveau quartier général dans le désert irakien.


 


Un accord aurait été négocié pour faire partir plusieurs dizaines de combattants de l’EI de nationalité européenne qui se seraient rendus. Pouvez-vous nous en dire plus ?


Il reste une zone d’ombre autour de la libération de Raqqa, car on n’a pas vu de combats à l’intérieur de la ville. On sait que le cessez-le-feu vient d’un accord entre les FDS, le conseil local de Raqqa et des représentants de l’EI. D’autres protagonistes y ont participé, dont certains pays étrangers. Plusieurs services de renseignements, dont les belges et les français, suivent ce dossier de près. Beaucoup de jihadistes ont bénéficié d’une sortie sécurisée pour quitter la ville et rejoindre Deir ez-Zor, au sud-est de Raqqa. L’intérêt pour les Européens c’est surtout qu’ils ne retournent pas dans leur pays d’origine. Certains s’évaporeront dans la nature, mais le régime syrien ne va pas s’y opposer. Avoir un argument pour continuer “la guerre contre le terrorisme” est toujours utile. 


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Jonathan Ardines