Secoué par des dissensions, le CFCM au bord de l’implosion

 Secoué par des dissensions, le CFCM au bord de l’implosion

Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM). MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) est secoué par de sérieux différends internes. Au point où cet interlocuteur privilégié des pouvoirs publics risque d’« imploser ». Des désaccords mis à nu par les réformes lancées par Emmanuel Macron, notamment la mise en place d’un Conseil national des imams.

Gérald Darmanin doit recevoir « dans les prochains jours » le président du CFCM Mohammed Moussaoui et plusieurs responsables de fédérations, a affirmé l’entourage du ministre de l’Intérieur à l’AFP. Mais, ni les modalités (ensemble ou séparément) ni la date n’étaient encore fixées lundi après-midi.

Dimanche, quatre des neuf fédérations du CFCM ont annoncé qu’elles allaient mettre en place une nouvelle instance – « une coordination ». Son objectif sera de réfléchir à « la refondation de la représentation du culte musulman en France ».

Ces fédérations, dont la Grande Mosquée de Paris, avaient déjà quitté le bureau exécutif du CFCM mercredi soir, après un différend sur la tenue d’une réunion dans la journée. Le Rassemblement des Musulmans de France, les Musulmans de France et la Fédération Française des Associations Islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA) font également partie de cette dissidence. Mohammed Moussaoui, président du CFCM depuis janvier 2020 a immédiatement dénoncée cette initiative. Il accuse ces quatre fédérations de vouloir « paralyser le CFCM ».

 

Les deux fédérations turques au cœur du conflit

Au coeur du conflit : le refus, en janvier, de trois autres fédérations, dont les deux turques – le Millî Görüs et le CCMTF-, de signer la « Charte des principes pour l’islam de France ». Ce texte poussé par Emmanuel Macron dans sa lutte contre le séparatisme réaffirme entre autres la « compatibilité » de la foi musulmane avec la République.

Selon les quatre fédérations dissidentes, emmenées par le recteur de la Mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz, les réunions du CFCM ne peuvent plus se tenir avec les fédérations non signataires de la Charte. M. Moussaoui argue de son obligation de faire avancer les dossiers de cette instance, le tout dans la légalité statutaire.

Depuis sa création en 2003, des différends internes entravent régulièrement le fonctionnement du CFCM. Plusieurs des fédérations qui le composent suivent les lignes des pays d’origine des communautés qu’elles représentent (Maroc, Algérie, Turquie…). En outre, l’inimitié entre M. Moussaoui (fédération proche du Maroc) et M. Hafiz (proche de l’Algérie) est de notoriété publique.

 

Crépuscules des fédérations ?

« Est-ce qu’au-delà des sempiternelles rivalités, le temps des fédérations est terminé ? », s’interroge Franck Frégosi, directeur de recherche au CNRS. Ce « qui se profile », c’est une « implosion » du CFCM, dit-il tandis qu’une source proche du dossier évoque un « risque d’éclatement ».

« On est arrivés au bout de quelque chose », « il faut que cette instance représentative évolue », concède à l’AFP l’entourage du ministre de l’Intérieur, pour lequel la seule « ligne de fracture » désormais réside dans la signature (ou non) de la Charte. « Nous continuons à parler aux uns et aux autres », a-t-on ajouté.

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Le ministère préconise aussi une réflexion pour inclure « le niveau local », notamment avec les responsables de mosquées indépendantes du CFCM. Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon et Tareq Oubrou, imam de la mosquée de Bordeaux, font partie des noms régulièrement cité pour leur « vision théologique structurée et audacieuse ».

 

Le Conseil national des imams en souffrance

M. Moussaoui plaide pour la mise en place « d’assises départementales ». Elle permettraient aux musulmans de décider de leur « mode de gouvernance », via des « conseils départementaux ». Selon une source proche du dossier, une réflexion est en cours pour que les préfets organisent des assises localement.

En attendant, c’est la mise sur pied du futur Conseil national des imams (CNI) qui est reportée. Ce nouvel organisme avait été présenté à grand coup de communication en novembre par l’Élysée dans le cadre de la lutte contre l’islam radical et les « séparatismes ». Cette structure est censée délivrer un agrément aux futurs imams, en fonction de leurs connaissances religieuses et leurs compétences pédagogiques. Mais avec les derniers rebondissements du CFCM, « c’est la paralysie totale des chantiers de l’islam de France », souligne une source proche du dossier.

« C’est normal que ça prenne du temps », affirme l’entourage du ministre.

Rached Cherif