Sarcelles. La famille d’Ibrahima Bah, mort à moto lors d’une intervention de police, dénonce des incohérences

 Sarcelles. La famille d’Ibrahima Bah, mort à moto lors d’une intervention de police, dénonce des incohérences

Diané Bah


La conférence de presse était prévue à 16h45. Avec les grèves, il a fallu partir une heure à l’avance. A 16h, déjà sur place, Toutée Inan et Hocine Radjai, deux militants tout terrain de Sarcelles (95) sont là pour nous accueillir. Café, boissons, sucreries…


Il nous est arrivé d'aller à des conférences de presse dans le 16e, où le café n'était même pas offert. D’autres membres de l’association Paix et Justice pour Ibrahima Bah créé après la mort de ce jeune de 22 ans, décédé le 6 octobre dernier à moto, lors d’une intervention de police à Villiers-le-Bel sont également présents. Diané Bah finit de préparer la salle. Deux mois après la mort de son petit frère, malgré l’immense chagrin, il est bien déterminé à se battre pour obtenir justice et vérité. 


Votre famille s’est constituée partie civile….


Oui. Et c’est pour cela que nous avons eu accès au contenu du dossier. Enfin, en partie….


Comment ça ? 


Il a fallu plusieurs marches et la solidarité citoyenne pour qu'une enquête pour homicide involontaire soit ouverte.  Malgré tout, plus de deux mois après le décès de notre frère, ni notre avocat Maître Bouzrou, ni sa famille, n’avons pu avoir accès aux images de la vidéosurveillance. Nous n’avons donc pas pu procéder à leur exploitation. C’est anticonstitutionnel et inadmissible ! Comment faire le deuil si on nous refuse le droit légitime de connaître les circonstances de la mort de notre frère ?


Pensez-vous que cela soit délibéré ? 


Sur les lieux du drame, il y avait une caméra rotative. Selon la police, elle n'aurait filmé que le début et la fin du drame ! Que se passe-t-il entre-temps ? Pourquoi ne pas nous laisser constater par nous-mêmes ? Pourquoi ne pas diffuser ces vidéos afin que tout le monde puisse constater ? Si les policiers n'ont rien à se reprocher et qu’ils ne sont pas directement responsables de la mort d’Ibrahim, il serait de bonne augure qu'il diffuse ces vidéos. Comment ne pas penser que ces vidéos incriminent les policiers ? Sans quoi, je suis convaincu qu'on aurait déjà pu avoir accès aux images. 


Vous parlez aussi de témoins qui mettraient en cause le rôle de la police dans la mort de votre frère. 


Effectivement. Des témoignages recueillis dénoncent vigoureusement le rôle actif d'un fourgon de police qui aurait percuté la moto d’Ibrahima. D’autres témoins disent que le fourgon aurait volontairement barré le passage à la moto. 


Vous pointez également d’autres incohérences…


Oui. Il est inadmissible que le fourgon de police n’ait pas été examiné par les enquêteurs le jour des faits mais seulement le 8 octobre. Le véhicule de police a continué à être utilisé pendant deux jours ! Cela va à l’encontre de la procédure légale. Les constatations observées sur les véhicules et le corps de mon frère montrent qu’il y a eu une  collision entre le fourgon de police et la moto.  L’avant droit du fourgon est enfoncé, il aurait percuté le côté gauche de la moto, il y a une énorme blessure sur la jambe gauche d’Ibrahima…


 


Vous irez jusqu'au bout ?


Évidemment. Nous pouvons accepter la mort de notre frère, la mort faisant partie de la vie, mais nous ne pouvons pas accepter de ne pas connaître les circonstances de la mort de notre frère. Il est insultant qu'avec tous ces éléments, tous ces témoignages, que ces policiers ne soient pas un minimum inquiétés et qu’ils continuent à exercer impunément. C'est une insulte publique pour la famille. Dans un pays de droits qui est censé garantir la sécurité et la justice pour ses concitoyens, ces membres des forces de l’ordre devraient être suspendus et mis en examen. Nantis et représentants de l'autorité, qu'attendez-vous ?  Pourquoi un tel mépris, pourquoi une telle indifférence pour ceux qui sont considérés comme la deuxième France?

Nadir Dendoune