Théâtre. « Koulounisation »

 Théâtre. « Koulounisation »

Salim Djaferi, acteur-auteur, interprétant sa pièce de théâtre « Koulounisation », la Friche de la Belle de Mai à Marseille, dans le cadre des « Rencontres à l’échelle ». Photo : © Pierre Gondard

Pour son premier spectacle Salim Djaferi, belgo-algérien, questionne et approfondit la sensible question de la colonisation française en Algérie, en interrogeant des témoins de cette période et mettant en perspective langage et Histoire. Il sera sur scène jeudi 9 décembre à 20h à Avignon dans le cadre des Francophoniriques.

 

A la Friche de la Belle de Mai à Marseille, dans le cadre des « Rencontres à l’échelle », Koulounisation affichait complet. Pour cette grande première dans l’Hexagone, le public marseillais s’est pressé « attiré par un titre qui donne envie ». Sur scène Salim Djaferi acteur/auteur formé à l’ESACT, le conservatoire royal de Liège, seul ou presque, raconte sa première fois à Alger en 2018.

Curieux de la colonisation française et particulièrement de la période qui a précédé son indépendance, il interroge sa mère et sa tante, « comment dit-on ‘colonisation’ en langue arabe ? », « Koulounisation » lui répondent les deux femmes. Un point de départ qui questionne le jeune homme bien décidé à comprendre et qui se rend dans une librairie du centre d’Alger à la recherche du rayon « Guerre d’Algérie ».

Il fouille, un long moment mais sans rien trouver. Alors sur le point d’abandonner il fait part de son étonnement à la libraire qui lui répond, « tous les ouvrages sur la Guerre d’Algérie se trouvent au rayon ‘Révolution’ ». Deux mots différents pour des mêmes faits historiques d’un côté et de l’autre de la Méditerranée, une ‘guerre’ pour les uns, une ‘révolution’ pour les autres.  De ce postulat Salim Djaferi mène l’enquête, charge et décharge les mots du colonialisme, interroge sur la perspective, prenant son public comme témoin.

Théâtre. "Koulounisation"Mouvante, la scène avance, évolue, au gré des rencontres de cet enfant d’immigré algérien bien décidé à comprendre. Avec humour, le metteur en scène démontre par des procédés plus ou moins ingénieux les intimités reliées entre histoires de famille et Histoire, violences de guerre et déplacements, langage et Histoire.

‘Koulounisation’ se nourrit des histoires des autres, mais surtout des mots qu’ils emploient pour raconter ces histoires. Finalement qui choisit les mots pour qui ? Relatent-ils les mêmes faits ? Les comprend-on de la même manière qu’on soit au nord ou au sud ?

Sur scène, à ses côtés, Delphine de Baere joue d’abord la spectatrice naïve, intervenante d’une démonstration qui la laisse perplexe. Puis elle s’affirme sur scène pour s’y imposer et participer pleinement à une démonstration parfois rocambolesque de cette vaste incompréhension autour des non-dits et des mots mal interprétés.

Découvert en 2017 au Festival Emulation de Liège où il participe à la création d’Almanach, Salim Djaferi s’est imposé depuis comme une tête chercheuse et engagée de la jeune scène belge. Son premier travail personnel prenait comme point de départ une collecte de témoignages et de tapis de prière musulmans auprès de pratiquants en Belgique et au Maroc.

Passionné de théâtre documenté qu’il ne cessera de développer, il présente là son premier spectacle en tant que metteur en scène, s’attaquant à un sujet douloureux avec humour et sensibilité.

 

« Koulounisation » de Salim Djaferi, au Théâtre des Doms à Avignon, jeudi 9 décembre 2021, à 20 h.

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Jonathan Ardines