L’art tunisien investit Belleville

 L’art tunisien investit Belleville

crédit photo : Mounir Ben Hadj Khalifa


Premier festival du genre à Paris, Viv’ArT’unis donnera à découvrir – via les arts plastiques, la danse ou encore le théâtre – un paysage culturel en pleine mutation. Et en phase avec la difficile transition démocratique en cours dans le pays. 


En Tunisie comme en Egypte et en Syrie, la révolution de 2011 a suscité une effervescence artistique qui est en partie parvenue jusqu’aux oreilles et aux yeux du public français. Des rappeurs comme El General ont fait connaître leur cri, souvent bien avant les Printemps arabes. Des caricaturistes ont fait preuve d’audace dans diverses publications, et des artistes de théâtre comme ­Ahmed El Attar, programmé au dernier Festival d’Avignon, ont commencé à se faire un nom.


Sept ans après les événements, toutefois, cette visibilité s’est étiolée. Si quelques lieux continuent d’offrir une fenêtre sur la création de l’autre côté de la Méditerranée, c’est en effet souvent de manière ponctuelle et peu représentative de la réalité du ­terrain. Lacune qu’entend combler le nouveau festival pluridisciplinaire Viv’ArT’unis, qui aura lieu du 10 au 16 septembre à ­Paris, dans plusieurs lieux du Grand Belleville.


 


Une jeunesse audacieuse aux commandes


A l’origine du projet, le metteur en scène Jaleleddine Abidi, originaire de Regueb – ville du centre de la Tunisie, située à une trentaine de kilomètres de Sidi Bouzid où s’est déclenchée la révolution. Son objectif ? “Non seulement toucher les 300 000 Tunisiens d’Ile-de-France, mais aussi contribuer à changer à travers l’art le regard porté en France sur la Tunisie.” Riche de son expérience à la tête du Festival international de la révolution de Regueb, qu’il a lui-même créé et dirigé de 2011 à 2013, ce diplômé de l’Institut d’art dramatique et de l’Institut supérieur de musique de Tunis, également formé au management de projets culturels, met pour cela à l’honneur la nouvelle génération d’artistes tunisiens. Toutes disciplines confondues.


C’est une jeunesse audacieuse qui anime le festival Viv’ArT’unis. Une jeunesse à la parole et au corps libérés, engagée dans une ­réflexion sur la transition démocratique en cours, dans un combat pour l’évolution des mœurs. Les relations femmes-hommes et la question du genre sont ainsi au cœur de plusieurs créations.


 


Des thématiques courageuses


Dans Dès que je t’ai vu, par exemple, production du Théâtre ­national tunisien présentée au Théâtre de Ménilmontant, Salah Felah explore sous un angle sociologique l’amour à la tunisienne. Tandis que dans La Fuite, pièce adaptée d’un roman de Hassen Mili, Ghazi Zaghbani met en scène un dialogue entre une prostituée et un extrémiste religieux qui a défrayé la chronique lors de sa création en Tunisie.


Toujours au Théâtre de Ménilmontant, la partie chorégraphique des festivités n’est pas moins courageuse. L’Ivresse des profondeurs, d’Imen Smaoui, questionne la violence des relations entre les sexes, tandis que Ouled Jellaba, de Rochdi Belgasmi, ressuscite la tradition des cafés chantants du siècle passé, avec ses saltimbanques et ses danseurs travestis.


Viv’ArT’unis fait aussi place au rêve. A l’IESA Arts & Culture et au Point Ephémère, l’exposition “Chimères révélées” réunit dix plasticiens tunisiens autour de l’idée d’un “monde où s’éveillent des créatures hybrides nourries des possibilités infinies qu’offre l’imaginaire et d’un besoin vital de prendre forme, d’être, d’exister”. 


 

Anais Heluin