Cartouche, ou le filtre du bonheur

 Cartouche, ou le filtre du bonheur

Presse


Plutôt discret ces derniers temps, sans jamais avoir déserté totalement la scène, l’humoriste revient avec un nouveau spectacle, “Demain, je me lève de bonheur”. Rencontre avec un poète enchanteur.


De son histoire atypique, il fait sa carte de visite : celle du gamin de banlieue du 9-3 qui pousse un peu par hasard les portes du conservatoire pour se lancer dans la danse classique. Ce joli “story­telling” a permis à ce comédien à la sensibilité revendiquée de se distinguer de la nouvelle vague de stand-uppers, véritables “snipers de la punchline”.


Dans le spectacle de Cartouche, la poésie a encore sa place. Son style ? Faire simple, avec des bons sentiments – presque un pari fou à une époque où la moquerie est devenue la norme ! L’humoriste prend le temps d’installer son personnage, de faire connaissance avec son public… Il le balade, en bon danseur qu’il était, et le confesse : “Je l’entraîne dans une grande valse. L’histoire que je raconte est juste un prétexte pour faire danser les émotions.”


 


Sourire à tout prix


Candide Cartouche ? Assurément ! Un grand gamin de 52 ans clairement piqué par le syndrome de Peter Pan. Etre papa de deux petites filles est un excellent prétexte pour jouer les enfants à toute heure : “Je leur fais tout le temps des blagues… C’est important pour moi de garder cette âme d’artiste, même dans la vraie vie. La routine me tuerait sinon.”


Mais derrière son regard mutin, on ressent de la fragilité. Une “zone secrète” que l’on lit entre les lignes. Quand il se souvient de son adolescence boutonneuse et malheureuse : “Je me sentais seul, je ne trouvais pas ma place dans cette société, j’étais nul à l’école, j’essayais de comprendre la vie.” Quand il confesse un ­désastre sentimental qui s’est soldé par deux séparations. Quand il évoque la perte d’un ami proche ou le spleen d’un souvenir de vacances à Sidi Bel Abbès : “J’ai toujours été tiraillé par ma double culture. Mon métier m’a réconcilié…”


Ces confessions intimes, exprimées sur scène, se révèlent être d’excellents prétextes pour prôner sa vision du bonheur. “Je veux être heureux et rendre les gens heureux, martèle-t-il. J’ai eu des combats intérieurs, mais la vie l’a emporté.”


Durant quelques mois, l’humoriste a côtoyé deux thérapeutes pour philosopher sur le thème du bonheur. Puis il a goûté aux méthodes de développement personnel. Il a même visionné en boucle les interviews de Khaled, la star du raï au rictus figé, pour exercer son degré de “khalitude” (comprendre : sourire), puisqu’”il faut toujours trouver la force de sourire dans la vie !”


 


Séance de câlins dans la salle


Gonflé de cette énergie débordante de positivité, il entraîne le public à faire des choses totalement inattendues. Et c’est ainsi qu’une salle entière se retrouve en pleine séance de câlins au milieu du spectacle, à participer à un “blind test” de génériques régressifs ou encore à chanter ou danser sans retenue. On ne ressort pas de ce spectacle avec des crampes aux zygomatiques, ni avec de grandes connaissances sur l’univers… Mais on ressent assez étrangement un sentiment de plénitude, d’apesanteur, de légèreté. Comme si, le temps d’un instant, on avait tout oublié des tracas de la vie. Et si ça ressemblait un peu à ça, le bonheur, finalement ? 


 


Demain, je me lève de bonheur, au théâtre de l'Alhambra, à partir du 26 octobre au 5 Janvier 2019, au théatre de l'Ouest à Rouen les 17 et 18 Novembre

Barka Benhemine