Tunisie. Heurts anti migrants : « la situation est hors de contrôle »

 Tunisie. Heurts anti migrants : « la situation est hors de contrôle »

Le 5 juillet, la situation déjà tendue a dégénéré en exactions et en départs de masse de migrants africains subsahariens chassés de la ville de Sfax, tandis que les autorités sont accusées de laisser faire et de jouer le pourrissement de la situation.  

 

Dans plusieurs quartiers de la ville, des centaines d’habitants se sont rassemblés mercredi dans les rues pour réclamer le départ immédiat de tous les migrants clandestins, nombreux à être chassés de leurs habitations en disposant leurs meubles hors des résidences qu’ils louaient. Certains manifestants ont bloqué les rues et incendié des pneus pour exprimer leur colère après la mort d’un habitant de 41 ans, mortellement poignardé lors d’affrontements tard lundi avec des migrants originaires du Cameroun.

Dans de nombreuses vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, on peut voir des agents de police chassant des dizaines de migrants de leur domicile sous les acclamations d’habitants de la ville, avant de les faire monter dans des voitures de la police. D’autres montraient des migrants à même le sol, les mains sur la tête, entourés par des habitants munis de bâtons et de couteaux qui attendaient l’arrivée de la police.

 

Hôpitaux débordés et reconduction aux frontières

D’autres Tunisiens se solidarisent avec les migrants, notamment dans les milieux associatifs et les professionnels de la santé à l’instar de Lazhar Neji, travaillant dans les urgences d’un hôpital de Sfax, qui a déploré « une nuit inhumaine et sanglante ». Selon lui, l’hôpital a accueilli entre 30 et 40 migrants, parmi lesquels des femmes et des enfants. « Certains ont été jetés de terrasses, d’autres agressés avec des sabres », a-t-il assuré.

Le Forum des droits économiques et sociaux (FTDES), en pointe sur les questions migratoires, tout comme une vingtaine d’autres ONG tunisiennes et internationales, ont indiqué pour leur part dans un communiqué conjoint que les forces de sécurité avaient emmené mardi un groupe d’une centaine de personnes migrantes et réfugiées de la région de Sfax vers la frontière libyenne. « Le groupe comprend plusieurs nationalités notamment ivoiriennes, camerounaises et guinéennes dont au moins 12 enfants âgés entre six mois et cinq ans », d’après la même source.

Une cinquantaine d’autres migrants avaient été conduits vers la même région le 2 juillet. Certains d’entre eux ont été « battus et maltraités », ont ajouté les ONG, qui ont appelé les autorités à « donner des clarifications sur ces faits et d’intervenir en urgence pour assurer une prise en charge de ces personnes ». Des dizaines d’autres migrants se sont rués sur la gare ferroviaire de Sfax pour prendre des trains vers d’autres villes tunisiennes.

« Avant la Tunisie était un pays d’accueil pour nous, on vivait à l’aise ici, mais comme maintenant nous ne sommes pas les bienvenus, la solution serait de traverser la Méditerranée pour aller en Europe », témoigne un migrant congolais qui dit être entré en Tunisie via un visa d’étudiant.

En visite mardi au ministère de l’Intérieur, le président de la République Kais Saïed a affirmé que la Tunisie « n’accepte pas sur son territoire quiconque ne respectant pas ses lois, ni d’être un pays de transit ou une terre de réinstallation pour les ressortissants de certains pays africains ».

Seif Soudani