Les jours du gouvernement Chahed sont-ils comptés ?

 Les jours du gouvernement Chahed sont-ils comptés ?

Youssef Chahed


Partira, partira pas… Depuis quelques jours, les évènements s’accélèrent pour ce qu’il convient d’appeler le devenir de Youssef Chahed à la Kasbah à court terme, plus que jamais compromis. Retour sur une mini séquence historique riche en enseignements politiques.


En pointe dans le lobbying pour le départ du gouvernement Chahed, la centrale syndicale UGTT, qui par la voix de son secrétaire général Noureddine Taboubi n’est désormais plus dans le souhait d’une démission de Chahed, mais clairement dans le registre de l’exigence non négociable.


Plus catégorique encore, le Front Populaire, lui-même proche du leadership de l’UGTT, est aussi plus précis, via son député Jilani Hammami. Ce dernier semble en effet certain que le président de la République décrètera le 20 mars prochain le gouvernement Chahed comme « gouvernement de gestion des affaires courantes », en attendant un remaniement d’envergure.


L’UGTT peut compter sur le soutien de taille du fils du président de la République et chef exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, qui ne cache pas son hostilité à Youssef Chahed depuis les premiers mois de ce court mandat d’une année et demie au pouvoir.


 


Bouchammaoui pressentie pour succéder à Chahed


Un évènement va cependant conférer une plus grande crédibilité à ce qui restait jusqu’ici des bruits de couloirs dans les arcanes du pouvoir. Le 9 mars dernier, Béji Caïd Essebsi recevait la patronne des patrons, Wided Bouchammaoui, présidente de l’UTICA, pendant plus de deux heures. Une durée anormalement prolongée, qui a pu laisser présager d’une séance de travail en vue de la constitution d’un gouvernement. Une femme numéro 1 de l'exécutif, cela permettrait en outre à Essebsi d’être assuré du soutien des lobbies féministes nationaux et internationaux.  


Censée donner des éléments de réponse quant au fait de savoir si oui ou non nous sommes bien entrés dans l’ère de l’après gouvernement Chahed, la réunion des signataires de l’accord de Carthage hier mardi 13 mars n’a fait qu’entretenir le flou sur cette question, tout en accouchant cela dit d’une commission d’évaluation du bilan gouvernemental. Une mesure en soi synonyme de porte de sortie potentiellement honorable pour Chahed.


D’autant que le chef de l’UGTT enfonce le clou à la sortie de la réunion : Taboubi s’étonne en effet aujourd’hui des déclarations de la porte-parole de la présidence de la République Saïda Garrache, pour qui Béji Caïd Essebsi est attaché au maintien de Youssef Chahed jusqu’aux prochaines élections municipales du 6 mai, un scrutin qui en fonction de ses résultats déterminerait le choix des Tunisiens.


En clair, l’aile gauche du Pacte de Carthage est pressée et exige le départ de Chahed bien avant le 6 mai, voire dès la semaine prochaine qui connaîtra une nouvelle réunion des signataires du Pacte à Carthage.


Grand paradoxe tunisien, la centrale syndicale semble obsédée par ce départ, quitte à faire remplacer Chahed par l’équivalent du Medef français, ce qui reviendrait à installer le patronat au pouvoir, par procuration.


Au-delà des tractations politiciennes, et des débats consistant à savoir si Chahed paye là sa proximité tacite avec Ennahdha, sa guerre à géométrie variable contre la corruption, ou encore son bilan économique dérisoire, la manière avec laquelle on prépare la sortie de l’encombrant quadragénaire est digne d’un authentique régime présidentialiste. 


S’opérant au mépris des dispositions de la Constitution relatives au régime de gouvernance mixte à dominante parlementaire, la manœuvre est édifiante sur le fonctionnement des institutions tunisiennes en 2018.


 


Seif Soudani

Seif Soudani