Tunisie. Un taux d’inflation vertigineux à l’approche du ramadan

 Tunisie. Un taux d’inflation vertigineux à l’approche du ramadan

A deux semaines de l’avènement du mois saint, rien ne semble pouvoir arrêter l’inflation galopante en Tunisie, en particulier s’agissant de l’alimentation où le taux d’inflation grimpe à des niveaux record de 18,4% observés en moyenne.

Ainsi selon l’économiste Ezzedine Saïdane, le taux d’inflation échappe désormais à tout contrôle : il atteint ainsi le niveau sans précédent de 10,4% en glissement annuel. Le taux d’inflation pour le mois de février comparé au mois précédent est de 0,5%, et ce malgré la coïncidence avec la période des soldes dans des secteurs tels que l’habillement et les chaussures.

Si cela peut sembler comparable à certains pays industrialisés où les 10% d’inflation post guerre russo-ukrainienne ont également été atteints, la Tunisie n’enregistre cependant pas de baisse semblable à ces pays plus récemment où l’inflation s’est tassée à entre 5,2% et 6,2% en février en moyenne de glissement annuel, soit moitié moins.

Autre particularité tunisienne, le taux d’inflation de 10,4% est en réalité une moyenne trompeuse : là où les disparités touchent le luxe et les produits hi-tech en Occident où l’inflation reste la plus élevée en raison de la demande, ce sont en effet les produits alimentaires où le taux d’inflation atteint les 15,6% en Tunisie.

Pire, l’inflation pour les produits alimentaires libres (dont les prix ne sont pas administrés ou régulés par l’Etat) est quant à elle de 18,4%. « Ces chiffres montrent que le pouvoir d’achat du citoyen Tunisien continue de se détériorer et prouvent que les dernières augmentations du taux directeur de la Banque centrale ne donnent aucun résultat en termes de maîtrise de l’inflation. C’est même le contraire qui se produit », déplore Saïdane.

 

L’orthodoxie de l’augmentation du TMM, une aberration ?

Pour l’économiste, la solution est dans une stratégie globale de sauvetage de l’économie et non pas dans les révisions à la hausse du taux directeur, révisions incessantes qui ne profitent qu’au système bancaire. Car « l’inflation en Tunisie ne provient pas de la demande, comme on essaye de nous faire croire », explique-t-il. L’inflation provient de l’offre, du fait de la faiblesse de la production nationale et de la croissance économique, mais aussi des hausses des prix des produits importés.

Rappelons que le taux moyen du marché monétaire (TMM) a encore augmenté durant le mois de février 2023, pour atteindre 8,02%, contre 7,96% en janvier 2023 et 7,26% en décembre 2022, d’après des données publiées le 1er mars 2023 par la Banque centrale de Tunisie (BCT). Durant la même période, le TMM était de l’ordre de 6,25% en février 2022 et de 6,23% en février 2021.

Cet accroissement est justifié du côté de la BCT par les prévisions qui tablent sur la poursuite de la tendance haussière de l’inflation au cours de l’année 2023. Or, ce type de gestion consiste pour beaucoup d’économistes en une orthodoxie financière qui ne prend pas en compte la nature de l’inflation en Tunisie : celle-ci serait moins liée comme ailleurs à un consumérisme effréné qu’à la raréfaction de certains produits alimentaires en l’occurrence.

Autre particularité tunisienne, là où les prix des énergies notamment fluctuent selon le contexte international dans la plupart des pays voisins, le coût du gaz et des matières premières ne baisse plus depuis de rares ajustements à la baisse ces dernières années :

 

Seule embellie à ce tableau, selon une note sur les évolutions économiques et monétaires et les perspectives à moyen terme publiée début mars par la BCT, le taux d’inflation moyen en Tunisie devrait atteindre son pic, soit 11 % en 2023, puis redescendre à 8,9 % en 2024, contre 8,3 % sur l’ensemble de l’année 2022.

 

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Seif Soudani