Une « marche nationale » pour la libération de Nabil Karoui

 Une « marche nationale » pour la libération de Nabil Karoui


Intitulée « marche pour une Tunisie libre » par les partisans du candidat au second tour de l’élection présidentielle du 13 octobre, une marche compte sillonner le pays pour réclamer la libération du magnat des médias, dont la situation judiciaire se complique aujourd’hui avec les révélations d’un controversé lobbyiste israélien.


Mise à Jour : La Cour de cassation a ordonné en fin de journée la libération de Nabil Karoui.


Prudentes, les équipes de campagne et de communication de Nabil Karoui ont évité de mentionner nommément ce dernier dans l’email envoyé aux médias à propos de la tenue de ladite marche, probablement de sorte d’éviter au maximum tout signalement en amont et de mettre les autorités locales au pied du mur, en profitant d’un effet de surprise.


Empruntant des transports privés, la caravane est partie aujourd’hui mercredi matin depuis le gouvernorat de Gabès dans le sud du pays, pour se poursuivre le long d’autres régions dont Sfax, Kairouan et en passant par Sousse, Mahdia, Monastir, Béja et Bizerte, Nabeul et Zaghouan, pour s’achever le vendredi 11 octobre 2019 à Tunis.


Objectif manifeste : fédérer une foule suffisamment grande pour faire pression sur les autorités judiciaires et le gouvernement Chahed, à 48 heures du scrutin présidentiel, vendredi 16h00, censé représenter le point d’orgue de l’opération.


 


Forts soupçons de lobbying illégal


La marche est supposée sensibiliser au sort de l’homme d’affaires, incarcéré depuis bientôt deux mois, privé de mener sa campagne électorale, et dont la chaîne Nessma TV vient d’écoper d’une troisième amende record de 320 mille dinars par la Haica pour enfreintes répétées au code électoral.




Selon le dirigeant du parti « Au cœur de la Tunisie » (Qalb Tounes) Iyadh Elloumi, « cette marche pacifique contre l’injustice dont fait l’objet Nabil Karoui, fera le tour du pays. Les manifestants protesteront en silence contre la corruption politique qui influence désormais le système judiciaire et qui ne respecte pas la volonté du peuple ».


Mais, énième rebondissement, un nouvel élément dans l’affaire du « lobbygate » est venu accabler Karoui aujourd’hui, après la révélation du contrat de lobbying (un document publié dans le site officiel du Département de justice des États-Unis d’1 million de dollars, dans le cadre du « Foreign Agents Registration Act ») reliant le candidat au deuxième tour de la présidentielle tunisienne à la firme « Dickens & Madson Canada Inc. » de l’ex-agent de la direction du renseignement militaire israélien, AMAN, Ari Ben-Menashe .


Alors que Salwa Smaoui, épouse de Nabil Karoui, avait démenti l’existence d’un tel deal, le journal canadien anglophone, « The Globe and Mail », réputé pour son sérieux, publie un article (accessible seulement aux abonnés payants du journal, mais consultable ici) confirmant les liens directs de Karoui et son entourage professionnel familial avec le lobbyiste israélo-canadien.


D’après l’entretien téléphonique accordé aux journalistes du journal, Ben Menashe affirme que « Dickens & Madson a bien reçu la somme de 250.000 dollars américains (…), dont 150.000 provenant d’un transfert de l’épouse de M. Karoui, Salwa Samaoui, à partir d’un compte bancaire à Dubaï ».


Toujours d’après la même source qui relate une soirée privée, « Nabil Kroui était très ému en raison du prochain anniversaire de la mort de son fils (dans un accident de voiture, ndlr). Il voulait transformer Tunis en centre de la paix. Il voulait nous engager, pas seulement pour les élections, mais pour qu’on amène les partis libyens à la table des négociations à Tunis, sous la supervision du président russe Vladimir Poutine. Il croyait que c’était sa vocation. »


En 2015, Nabil Karoui et Chafik Jarraya s’étaient déjà faits remarquer par leur présence lors d’un accord éphémère entre belligérants libyens. 

Seif Soudani