Un rapport de l’ONU fait la lumière sur la persécution des musulmans en Chine

 Un rapport de l’ONU fait la lumière sur la persécution des musulmans en Chine

Michelle Bachelet lors d’une réunion virtuelle avec le président chinois Xi Jinping, à Canton, le 25 mai 2022. La chef des droits de l’homme de l’ONU a visité Xinjiang, une région où sont emprisonnés plus d’un million de Ouïghours et d’autres minorités musulmanes, de stériliser de force des femmes et de diriger des camps de travail qui alimentent les chaînes d’approvisionnement mondiales, selon plusieurs ONG. HCDH / AFP

L’ONU a publié mercredi un rapport très attendu sur les violations présumées des droits de l’Homme contre les musulmans de la région chinoise du Xinjiang. Le document du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) se base sur des entretiens et informations directes ou de seconde main. Il conclut à la possibilité de « crimes contre l’humanité » contre les musulmans par la Chine.

Le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) revient sur cinq allégations principales sur la situation au Xinjiang. Les autorités chinoises opposent un ferme démenti sur toutes ces accusations. Leur politique dans cette religion à majorité musulmane vise selon elles à lutter contre le terrorisme islamiste. Le rapport de l’ONU estime cependant que la Chine a une interprétation « extrêmement large » du terme « d’extrémisme » à l’encontre des musulmans. Ce qui a pour conséquence de criminaliser des activités « liées à la jouissance d’une vie culturelle et religieuse ».

Porter un hijab, fermer un restaurant pendant le Ramadan ou donner à ses enfants des prénoms jugés trop musulmans (« Mohammed », « Islam », « Jihad », etc.). Autant d’actes pouvant passer pour des signes « d’extrémisme religieux ». Ils « peuvent entraîner des conséquences graves », selon le rapport, qui se base sur des articles de plusieurs médias. Le HCDH prend également note d’informations de presse « très préoccupantes » concernant la destruction présumée de mosquées et cimetières dans le Xinjiang.

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Selon Pékin, toutes les « activités religieuses normales » dans la région sont protégées par la loi. Les autorités affirment avoir rénové certaines mosquées avec des fonds publics et mis en place de nouveaux instituts officiels de formation des religieux musulmans.

 

Avoir trop d’enfants ou porter le voile peut conduire en prison

Revenant sur l’enfermement arbitraire de milliers de Ouïghours, principale accusation portée ces dernières années par des ONG et plusieurs pays, les auteurs décrivent un « schéma de détention arbitraire à grande échelle » dans cette province « au moins de 2017 à 2019 ». Pékin présente ces camps comme des « centres de formation professionnelle » ayant pour but de « déradicaliser » des habitants.

Le rapport onusien cite des documents, présentés comme émanant des autorités chinoises et listant une série de raisons pour justifier un internement pour « extrémisme ». Cela va du fait d’avoir trop d’enfants à celui de porter un voile ou encore d’avoir une condamnation antérieure. Avec la fermeture présumée des centres de formation, l’ONU estime par ailleurs « qu’il y a eu une évolution vers des incarcérations formelles » afin de continuer à maintenir en détention un certain nombre de personnes. Cette méthode est devenue le « principal moyen d’emprisonnement et de privation de liberté à grande échelle ».

 

Les accusations de tortures et viols sont « crédibles »

Ces centres de détention auraient en outre été le théâtre de torture et de violences sexuelles. Des accusations « crédibles » selon le HCDH. Certaines personnes interviewées disent avoir été immobilisées et battues. Certaines affirment avoir été violées ou avoir subi des « examens gynécologiques invasifs ». De plus, « le total démenti du gouvernement [chinois] vis-à-vis de toutes les allégations [ont] renforcé l’indignité et la souffrance [des personnes ayant témoigné] », dénonce l’ONU.

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Autre volet du rapport : l’ONU indique que des femmes ont déclaré « avoir été contraintes d’avorter ou de se faire poser un stérilet après avoir atteint le nombre d’enfants autorisé » par la politique nationale de limitation des naissances. « Ces témoignages de première main, bien que limités en nombre, sont considérés comme crédibles », estime là encore le rapport. Ce dernier prend d’ailleurs note du repli du taux de natalité au Xinjiang depuis 2017. La Chine réfute toute idée de « stérilisation forcée » des musulmans. Mais, elle concède appliquer au Xinjiang, comme ailleurs dans le pays, sa politique de limitation des naissances.

Rached Cherif