Visas : deux députés déposent un rapport pour faciliter les processus

 Visas : deux députés déposent un rapport pour faciliter les processus

M’jid El Guerrab, député des Français de l’étranger dont la circonscription couvre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, et Sira Sylla, élue de Seine-Maritime et spécialiste des sujets touchant les diasporas africaines. © Francois Grivelet pour JA

Délais de délivrance trop longs, refus injustifiés… En Afrique, obtenir un visa pour la France se révèle souvent être un parcours semé d’embûches. C’est dans ce cadre que deux députés français, M’jid El Guerrab et Sira Sylla, ont déposé un projet parlementaire sur la politique des visas, visant la facilitation du processus. Une conférence de presse virtuelle a été menée ce mercredi pour la présentation de ce rapport.

Interrompue à cause de la Covid-19, la mission des deux députés issus de la majorité, M’jid El Guerrab et Sira Sylla, a débuté le 8 janvier 2020 en vue de constater le travail des services consulaires et rédiger un rapport parlementaire concernant la politique des visas. Déposé par la Commission des Affaires étrangères et présenté par leurs soins, le rapport d’information a été examiné le mardi 12 janvier à l’Assemblée nationale.

« Un sentiment de décalage »

« Cette mission est née d’un sentiment de décalage entre l’ambition affichée par l’exécutif et la réalité sur le terrain », soulignent les rapporteurs en guise d’introduction. En effet, dans un discours prononcé le 20 novembre 2017 à Ouagadougou, le président de la République Emmanuel Macron promettait à la jeunesse africaine une « révolution de mobilité, celle qui nous permettra de repenser nos liens ». 

« Il y a une volonté présidentielle clairement affichée. Jamais un président n’a dit ce que Macron a dit », a déclaré la député Sira Sylla lors de la conférence virtuelle. Et si elle concède qu’il y a eu des choses qui ont été faites, notamment avec la création de la carte de séjour pluriannuelle « Passeport-talent », les élus déplorent le décalage entre l’ambition présidentielle et la réalité sur le terrain concernant la politique des visas, une politique souvent restrictive, exacerbée récemment par la volonté du ministère de l’Intérieur de restreindre de manière « ciblée » le nombre de visas attribués pour les pays réticents à reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière.

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« Une place disproportionnée aux risques migratoires »

Si M’jid El Guerrab et Sira Sylla ne remettent pas en cause la nécessité de préserver la sécurité nationale et de lutter contre l’immigration irrégulière, ils regrettent que « le ministère de l’Intérieur a pris trop de poids par rapport aux Affaires étrangères ». Dans le rapport parlementaire, ils « estiment que la politique des visas accorde une place disproportionnée aux risques migratoires au détriment de l’attractivité ». « Il y a un juste milieu à trouver », affirme Sira Sylla.

Pour M’jid El Guerrab, « le plus important de nos trois blocs de propositions est de rééquilibrer la politique des visas entre le ministère de l’Intérieur et celui des Affaires étrangères, qui est le garant de l’attractivité ». 

Renforcer l’attractivité de la France

Pour les élus, il est primordial de préserver et renforcer l’attractivité de la France. « Des hommes d’affaires se voient refuser des visas, sans comprendre pourquoi. Étudiants ou autres qui veulent venir en France finissent par se détourner de notre pays », déplore Sira Sylla. « Il y a ce sentiment de se dire que puisque la France ne veut pas de nous, on va ailleurs », ajoute-t-elle. En prenant l’exemple des pays de l’Afrique de l’Ouest, l’élue regrette une politique des visas trop stricte alors que « la France a une histoire ancienne et commune avec l’Afrique ».

Pour l’Algérie, « une volonté de fermer la porte »

De son côté, M’jid El Guerrab dénonce notamment le sort qu’a été réservé à l’Algérie : « Il y a eu clairement une volonté de fermer la porte. De plus de 400.000 visas délivrés, nous sommes passés à 200.000 visas. 45% des demandes de visas formulées par des algériens sont refusés. Ce n’est pas l’esprit de Ouagadougou. Ce n’est pas l’esprit de notre majorité et de ce que nous voulons faire avec l’Afrique. Au contraire, il aurait fallu multiplier par deux ces octrois de visas ». 

Après le rééquilibrage ministériel de la politiques des visas vient le renforcement de l’attractivité dans le critère des visas. Pour le troisième bloc des propositions, les députés prônent l’amélioration de l’expérience vécue par le demandeur. « Je suis assailli de demandes sur les délais. On appelle le gouvernement à appliquer très rapidement le projet « France visa » qui vise la dématérialisation des visas. Il a 3 ans de retard. On veut que dès 2021, elle soit complètement mis en oeuvre. Et il faut que l’expérience humaine soit indispensable. Il est nécessaire d’avoir des personnels bien formés, qui ont une culture positive, plutôt qu’une culture de la peur du ministère de l’Intérieur », martèle M’jid El Guerrab.

« Des projets de vie suspendus »

La question des visas est encore plus cruciale à l’heure de la pandémie Covid-19. Depuis le 17 mars, les visas ne sont plus octroyés : « Ce sont des projets de vie qui sont suspendus », s’indigne Sira Sylla. Pour la question des regroupements familiaux, M’jid El Guerrab considère que « c’est désastreux pour beaucoup de familles, d’enfants et de mariages. Il faut trouver une solution au plus vite ». De son côté, Sira Sylla souligne qu’« en Belgique, en Allemagne, en Italie, il y a le laissez-passer. La France, qui a un avantage historique avec l’Afrique, refuse », s’indigne-t-elle. « J’espère qu’on finira pas être entendus » a-t-elle déclaré. 

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Les élus prônent l’idée d’une procédure très accélérée, au même titre que la Chine par exemple, qui obtient les visas en 48 heures. « On voudrait arriver à cela, pour certains pays notamment en Afrique, qui ont besoin de mobilité », souligne M’jid El Guerrab. « Plus on délivre rapidement les visas, et mieux c’est. Il suffit que la volonté soit là pour le faire », conclut Sira Sylla. 

En 2019, le nombre de visas court et long séjour délivrés par la France s’élevait à 3 534 996. En tête de classement, la Chine avec 757.500 visa octroyés, suivis de la Russie, du Maroc (346 032), de l’Algérie (274 421), de l’Inde et de la Tunisie (145 846).

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Malika El Kettani