Zodiaque : un franco-marocain déchiffre les 2 énigmes d’un serial killer

 Zodiaque : un franco-marocain déchiffre les 2 énigmes d’un serial killer

Le polytechnicien Faycal Ziraoui qui a déchiffré les messages du Zodiaque (copyright Faycal Ziraoui)

Fin des années 60-début des années 70. Le Zodiaque (Zodiac Killer), un tueur en série non identifié, défraye la chronique aux Etats-Unis. A son « crédit » : 5 meurtres, 2 tentatives, un enlèvement et sans doute des dizaines d’autres meurtres. Il envoie également des lettres dont 4 cryptogrammes à la presse. Les deux derniers messages dont celui contenant le nom du tueur, ont été déchiffrés par un polytechnicien franco-marocain, Faycal Ziraoui. Retour sur son incroyable exploit.

On dit souvent que la curiosité est un mauvais défaut. Chez les Ziraoui, ce n’en est pas un ! Au contraire, on aime la développer autant que faire ce peut. Dans cette famille casablancaise d’un père sociologue et d’une mère institutrice, on ne lésine pas à décortiquer et à ne pas rechigner à ouvrir son esprit à la différence. Comprendre, apprendre et découvrir sont les maîtres mots. « Nous avons été élevés dans l’amour de la connaissance, mais pas seulement des sciences, indique Faycal Ziraoui. L’espace de nos centres d’intérêt allait des mathématiques, à la littérature en passant par la photographie et bien d’autres  disciplines. Pour ma part, j’ai un coté explorateur. Mes différentes expériences m’apportent un enrichissement. »

Humilité et soif d’apprendre

Le trentenaire « prend plaisir à apprendre » selon ses propres mots. Il peut ainsi creuser dans plusieurs domaines (informatique, physique quantique, photographie, etc..), sans pour autant en faire son métier. A l’image d’un fin gourmet, il aime creuser jusqu’à se délecter de la substantifique moelle d’un sujet avant de passer à une autre intrigue. « Tous ses domaines s’alimentent les uns les autres. Au fur et à mesure, ils s’enrichissent mutuellement. Par exemple, j’aimais le graphisme et m’y suis mis. Ensuite, je suis passé à la 3D, puis à la programmation et enfin à la conception de programmes et jeux vidéo en réalité virtuelle. Franchir des étapes dans un domaine est palpitant surtout si l’on passe à autre chose ensuite.»

Pour Faycal Ziraoui, ca sera un bac S au lycée Lyautey de Casablanca,. Ses notes d’excellence lui permettent d’intégrer l’une des plus prestigieuses écoles d’ingénieurs : Polytechnique à Paris. Un choix parfaitement assumé pour la polyvalence de la formation. « C’est une école d’un très haut niveau avec des moyens exceptionnels. On sort avec un profil d’ingénieur qui offre de nombreuses possibilités. Ensuite, la première des qualités à avoir reste l’humilité. Il faut pouvoir dire je ne sais pas et s’atteler à comprendre. Il ne faut pas hésiter à se lancer au final ! »

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Un serial killer non identifié aux messages codés

Dorénavant installé en France, le conseiller en stratégie aime les challenges. Il lance régulièrement des projets entrepreneuriaux. Les défis, il se les fixe selon ses envies du moment. L’important est que ce soit nouveau, innovant et que les méninges soient sur les charbons ardents. Sans être un passionné des serial killer, il découvre l’affaire du Zodiaque grâce à « l’excellent » film de David Fincher, Zodiac qui l’avait marqué. En effet, ce personnage maléfique et fascinant a été l’objet de dizaines de livres, bandes dessinées ou films. Il existe même une communauté amateur et scientifique qui tente de comprendre le tueur en série.

Le trentenaire dit aimer ces histoires fascinantes, qu’il retrouve sur Netflix (Unabomber, Mindhunter). Il ne cherche pas juste à deviner leur esprit complexe. Pour Faycal, ce sont des énigmes à résoudre. « Comme on est loin des Etats-Unis, on les perçoit comme appartenant à l’univers cinématographique. Il y a un coté irréel. Plus que la composante intellectuelle, on est dans le registre de l’émotionnel. On a des frissons avec ces personnages. On aime tous se faire un peu peur. Dans la limite du raisonnable ! (rires) ». Mais il ajoute aussitôt sur un ton plus sérieux, qu’il « ne faut quand même pas oublier les victimes. »

Jamais arrêté, le tueur du Zodiaque aurait commis jusqu’à 37 meurtres. Un assassin froid et d’une grande intelligence qui a joué avec les nerfs de la police de San Francisco et du FBI. En effet, il passe son temps à agacer les forces de l’ordre en les narguant. Il envoie ainsi des lettres à la presse (San Francisco Chronicle, San Francisco Examiner, Vallejo Time-Herald) ainsi que 4 cryptogrammes. Il exige qu’elles soient publiées et pratique du chantage en annonçant qu’il va tuer un bus scolaire. Ses lettres seront ainsi publiées en page 4 du San Francisco Chronicle. Parmi les cryptogrammes, le premier d’entre eux, le Z408 sera résolu par le professeur Donald Harden et sa femme, Bettye, le 8 août 1969. Les 3 autres sont restés pendant 50 ans hermétiques à toutes les tentatives.

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Une solution à base de plusieurs matières scientifiques

Aussi, quand en décembre 2020, le trentenaire polytechnicien tombe sur un article indiquant le déchiffrage d’un autre message du Zodiaque, il est tout de suite intrigué. En effet, une équipe formée de l’informaticien David Oranchak, du mathématicien australien, Sam Blake et du programmateur belge, Jarl Van Eycke, arrive à décrypter le message codé Z340 composé de 340 caractères. Il ne reste alors plus que le Z13 et le Z32 qui résistent encore à la communauté qui tourne autour du tueur jamais identifié.

Les codes du zodiaque contiennent des lettres, des chiffres, des signes, des symboles, etc.. « Il y a plus de symboles que de lettres de l’alphabet. Ensuite, il faut être pragmatique et utiliser le contexte de l’affaire : par exemple l’ordre chronologique des événements.J’ai fait des programmes informatiques. J’ai utilisé de l’électronique, de la physique pour modéliser le champ magnétique terrestre comme il était en 1970, de la trigonométrie pour faire des conversions de coordonnées.» Il avoue que la technologie l’a sans doute aidé par rapport à des policiers des années 70. Sans internet, il aurait été plus difficile de déchiffrer les messages codés. « La certitude, c’est que c’était plus complexe à l’époque. Par le web, j’ai pu communiquer rapidement avec des gens, trouver des informations, des données de cartographie, avoir accès à des éléments du dossier. Les ordinateurs m’ont permis de programmer. Nos moyens sont infiniment supérieurs à ceux des années 70.»

Un suspect apparaît par son déchiffrage

Faycal Ziraoui se donne une règle de départ. « Les codes sont reliés entre eux, constate l’ingénieur. Sans l’élucidation du code de décembre, je n’aurais pu faire la suite. » Ainsi, après être passé dans la méthode Ziraoui, le Z13 qui comprend 13 symboles se réduit à 4 lettres. Un nom ressort : Kayr. « C’est le surnom que se donne Lawrence Kaye, reconnu comme l’un des suspects de l’affaire. Son pseudo est Larry Kay. En ce qui concerne le r, il s’agit soit d’une erreur qu’il a commisse qui peut arriver car le code est complexe, soit il l’a fait intentionnellement contre les enquêteurs pour complexifier l’énigme. Dans le premier cryptogramme résolu en 1969, le Z408, le Zodiaque avait mis plein de lettres qui ne servaient à rien. Il voulait jouer avec ceux qui le traquaient.»

Pour l’autre code, le Z32, Faycal découvre les phrases suivantes : « Il commence par « LABOR DAY FIND » et ensuite des chiffres et coordonnées. Labor Day correspond au 1er lundi de septembre qui marque la rentrée des classes aux Etats-Unis. Les coordonnées pointent à coté d’une école d’une ville, South Lake Tahoe. Dans ses courriers, le Zodiaque menaçait de s’attaquer à un bus scolaire. On découvre aussi que Lawrence Kaye habite à 6 kilomètres de cette école. Du coup, on se dit que les solutions font sens. »

D’une page blanche jusqu’à la solution

Faycal enquête et se plait dans ce défi scientifique et d’investigation. Il le prend comme un jeu. « Je suis parti d’une feuille blanche. Cela m’a évité de partir avec des a-priori. Il faut être le plus « innocent » possible avant de commencer. Une semaine après les résultats de décembre, je trouve une piste prometteuse. j’ai creusé mon sillon et cela m’a emmené vers le résultat.»

Le tout lui aura pris finalement 2 semaines, surtout passées à résoudre le Z32. Le Z13, il en fera son affaire dans la foulée, en une heure environ. « Je ne suis pas un spécialiste du Zodiaque, dit humblement Faycal Ziraoui. Il subsiste de nombreuses zones de flous. On ne sait pas s’il était seul ou accompagné ou le nombre exact de victimes. Il existe aussi des copieurs qui brouillent les pistes, les fameux copycat. »

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Des résultats plausibles selon des scientifiques

Ces résultats incroyables sont accueillis de manière hétérogène par la communauté de personnes qui s’intéressent au Zodiaque. Pour être sûr de ses résultats, Faycal fait appel à des chercheurs de l’ANSSI (Agence Nationale de la sécurité des systèmes d’informations) et de l’INRIA (Institut National de Recherche en sciences et technologie du numérique). « Ils m’indiquent que d’un point de vue scientifique, ils ne peuvent pas valider ce que j’ai fait car la suite nécessite un travail de terrain avec la Police de San Francisco. Toutefois, ils ont reconnu le caractère plausible et vraisemblable de la solution. La suite, c’est que les gens en charge de l’enquête aillent plus loin sur le sujet avec les éléments en leur possession. »

Les résultats de Faycal Ziraoui sont dorénavant aux mains de la communauté scientifique mais aussi entre celles du FBI et de celle de la police de San Francisco. « Ils les ont reçu. Pour l’instant, je n’ai pas eu de retour de l’agence fédérale américaine (FBI) qui n’est pas très prolixe sur les affaires en cours. Par contre, un enquêteur de la Police de San Francisco, la SFPD, m’a remercié pour mon travail. Il m’a indiqué qu’il allait revenir vers moi rapidement. C’était une expérience nouvelle. Elle ne devrait pas se renouveler. Je suis attiré par d’autres choses que les meurtres en série. Je n’ai pas vocation à faire un doctorat en cryptographie non plus (rires). »

Faycal Ziraoui porte en lui la volonté d’aller bien au delà du fameux hadith apocryphe : « Cherche la science jusqu’en Chine. ». En effet, sa vocation est de rester sur le qui vive et de tâcher de comprendre. Il est déjà sur la nouvelle invention : une application pour aider les VTC (chauffeurs Uber) et Taxis à s’organiser et à travailler en collaboratif. N’en doutez pas ! Sous le crâne de Faycal Ziraoui, les neurones continuent sans cesse de bouillonner.

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.