MIT : 2 Marocains récompensés pour la meilleure modélisation Covid-19

 MIT : 2 Marocains récompensés pour la meilleure modélisation Covid-19

Omar Skali Lami à gauche, Hamza Tazi Bouardi à droite (DR)

Anciens centraliens de Paris, Omar Skali Lami et Hamza Tazi Bouardi font partie de l’équipe du MIT qui a reçu le prix Pierskalla, plus haute distinction dans le domaine médical. Leurs travaux pour modéliser la propagation du virus permettent à des Etats, régions et décideurs de définir les politiques à appliquer.

Omar Skali Lami et Hamza Tazi Bouardi sont de brillants mathématiciens. Et pourtant, les deux Casablancais n’avaient pas envisagé leurs vies sous le prisme du Covid-19, ni même de la recherche mathématique. Ils sont venus à cette matière tout naturellement. « Ma passion pour les mathématiques s’est développée petit à petit, indique Omar Skali Lami. J’ai commencé à aimer ça au point de participer à une olympiade de mathématiques que j’ai remporté au lycée. Je voulais au départ faire de la recherche en mathématiques pures ! A Centrale, je pensais plus à une application de cette matière qui est un véritable jeu de l’esprit. »

L’autre natif de Casablanca, Hamza Tazi Bouardi se voit adolescent plus dans l’aéronautique ou l’aérospatiale. C’est un professeur de seconde qui lui a donné le goût des sciences. « Il m’a permis d’aller chercher un peu plus dans les mathématiques et les sciences en général, indique Hamza Tazi Bouardi. Elles sont devenues ludiques à ce moment-là !« .

Assez novices en informatique à la sortie du lycée, ils voient dans l’outil des possibilités pour l’avenir. « J’ai eu l’impression d’évoluer dans le même univers que les mathématiques dés mes préparations aux concours, nous explique le doctorant au MIT, Omar Skali Lami. C’est venu naturellement. Quand on développe un modèle, il faut bien l’implémenter. »

Avec l’envie d’en savoir plus, Hamza Tazi Bouardi va même aller jusqu’à faire une césure dans ses études pour intégrer des sociétés qui travaillent sur l’intelligence artificielle. « Je ne savais même pas coder. Il faut juste mettre les mains dans le cambouis.  Je voulais aussi renforcer mon expérience en comprenant l’intelligence artificielle pour les écoles américaines et notamment le MIT »

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Après Centrale-Paris, le MIT aux Etats-Unis

A 3 ans d’écart, les voici tous les deux en route vers l’université la plus prestigieuse au monde en termes scientifiques. Direction Massachusetts Institue of Technology (MIT) à Cambridge, près de Boston. Un établissement qui compte près d’un enseignant pour 10 étudiants choisis sur le volet pour leurs capacités intellectuelles. C’est sur ce campus où l’on peut croiser un Noam Chomsky, une Esther Duflo ou un Terrence Malik, que le groupe chargé des données scientifiques (Data Scientist) réfléchit à une modélisation de la pandémie de Covid-19.

« Après Centrale Paris, je m’inscris en Business Analytics au MIT, nous indique Omar Skali Lami. Je rencontre notre enseignant, le Pr Dimitris Bertsimas et je finis major de promotion. » Au bout d’un an dans l’industrie chez McKinsey, il intègre finalement l’équipe des doctorants du Pr Bertsimas au MIT. Il sera très vite rejoint par deux autres centraliens, Léonard Boussioux et l’autre marocain de l’équipe, Hamza Tazi Bouardi.

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Un défi de bases de données, d’intelligence artificielle et de mathématiques appliquées

Avec la pandémie, le Pr Bertsimas leur lance un défi sur la modélisation de  la propagation du virus de la Covid-19. « Le groupe sur le COVID Analytics comprend une vingtaine de personnes. On sentait qu’avec nos compétences, on pouvait avoir un impact. On voulait résoudre cette problématique qui touchait le monde entier autour de nous. »

Avec 3 groupes (descriptif, prédictif et prescriptif), ils se répartissent le travail. Dans le descriptif, ils intègrent des données comme l’âge, le sexe, la mortalité et agrègent des bases de données. « On est ensuite passé dans une analyse prédictive avec le modèle Delphi. Il s’agit d’un modèle épidémiologique pour prédire les avancées dans le monde de la propagation du virus. »

Hamza Tazi Bouardi voit le modèle sereinement et notamment la partie intelligence artificielle. « On a l’impression qu’elle est assez récente. Or tous les algorithmes existent déjà depuis bien longtemps. Avec l’augmentation de la vitesse des ordinateurs et des données auxquelles on a eu facilement accès, l’intelligence artificielle est revenue sur le devant de la scène. Je voulais percer le mystère ! »

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A eux le prix Pierskalla, plus haute distinction dans le domaine médicale

L’équipe est même allée plus loin en cherchant à comprendre l’impact des décisions gouvernementales dans le monde. Omar Skali Lami indique ainsi que « l’on peut prédire le nombre d’infections ou de morts dans une région donnée mais on peut aussi prédire ce qu’il se passe si on prend telle ou telle mesure. »

Pour leurs travaux, ils obtiennent ainsi le prix Pierskalla, plus haute distinction dans le domaine médicale. Leur modèle est même utilisé par une grande entreprise pour les futurs vaccins. « Nous sommes en mesure de dire où le vaccin doit être testé en phase 3 pour avoir une efficacité statistique, précise le doctorant. Notre modèle peut être utilisé aussi aux niveaux des Etats ou même des comtés aux Etats-Unis. Il n’est pas pour autant exclusivement américain. Il marche dans tous les pays du monde. Ca permet aux hommes politiques de décider de leurs mesures et de l’impact de chacune d’un point de vue économique et sanitaire. »

Hamza se rappelle qu’il a fallu aller très vite. « Dès début avril, nous avons pris le maximum de données alors que nous n’avions aucune connaissance en épidémiologie. On a du comprendre les modèles mis en ouvre et y apporter une modélisation encore plus fine. Nous n’étions pas biaisés par le regard de l’épidémiologie. On restait sur notre partie optimisation »

Le résultat est détonnant pour le domaine médical en recherche opérationnelle qui leur accorde ce prix. Comme nous l’explique Hamza Tazi Bouardi, « On est le seul modèle à pouvoir prédire dans tous les régions du monde. Notre priorité a été de mettre toutes nos recherches en open source. »

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« L’intelligence artificielle peut faire du bien »

Omar souhaite rester dans la recherche mathématique et travailler dans plusieurs domaines. « Le but est de sortir des applications rapidement et avoir de l’impact, pas vraiment de développer le modèle mathématique. On a travaillé avec des hôpitaux, des agences gouvernementales en Espagne, en Grèce, en Italie et même au Maroc. Ca donne du sens à ce que l’on fait »

Pour sa part, Hamza Tazi Bouardi croit en l’avenir de l’intelligence artificielle. « Elle est vue comme démoniaque. Mais comme toute nouvelle technologie, mise entre de mauvaises mains, elle peut devenir dangereuse. Mais elle nous apprend qu’avec un peu de maths et de l’implémentation, on peut aussi faire du bien avec. Elle peut changer la face du monde. La mobilisation de la communauté scientifique est sans précédent actuellement. On sent que l’on peut avoir un impact sur la propagation de la pandémie. »

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Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.