Anicet-Georges Dologuélé : « La Centrafrique a besoin de paix »

 Anicet-Georges Dologuélé : « La Centrafrique a besoin de paix »

Anicet-Georges Dologuélé

Ancien premier ministre et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle, Anicet-Georges Dologuélé revient sur la situation en Centrafrique. La tenue des élections le 27 décembre 2020 restant incertaine, le candidat à la présidentielle souhaite que le processus se poursuive et que la paix revienne sur son pays.

 

Les élections en Centrafrique doivent normalement se tenir le 27 décembre prochain. Pensez vous qu’elles pourront se tenir ?

Anicet-Georges Dologuélé : On aurait bien voulu qu’elles se tiennent. Nous avons besoin de souffler dans ce pays. La Centrafrique a besoin de paix. Il y a eu trop de souffrances. L’autorité des élections s’y ait pris un peu tard. Le président a mis en place la nouvelle autorité et ça a pris du temps. Les opérations ont trainé. J’ai l’impression que l’on est dans un espèce de piège. Les jours passent et les opérations s’enlisent.

Faut ‘il qu’elles soient maintenues ?

Anicet-Georges Dologuélé : Il faut qu’il y ait des élections mais elles seront retardées. Le président souhaitait le report. Il en a fait la demande au Conseil Constitutionnel mais celui-ci a indiqué qu’elle n’autorisait pas la modification d’articles. Elle a proposé qu’il y ait une concertation nationale pour décider de la nouvelle forme de l’executif et des nouvelles dates des élections pour conserver la légitimité des institutions

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Vous êtes l’un des rares opposants en Afrique à avoir accepté la défaite, même si vous contestiez la fraude. Est il possible d’éviter la fraude ? L’élection peut elle être juste et sereine ?

Anicet-Georges Dologuélé : Les Nations-Unies ont donné un mandat particulier à la MINUSCA, qui était de superviser les élections. Pour moi, ce n’est pas suffisant. Il nous faut une ANE professionnelle. Moi candidat, je dois veiller aussi à faire remonter les résultats à mon état-major et à l’autorité nationale des élections. C’est à chaque candidat de veiller à préserver ses intérêts. Comme l’ANE est nouvelle, nous espérons qu’elle pourra être juste. Nous souhaitons aussi que les Nations Unies remplissent leurs missions pour que le président ne triche pas.

Il y a plusieurs candidats dans l’opposition. Etes vous favorable à une candidature unique de l’opposition ?

Anicet-Georges Dologuélé : Ca peut être utile. Nous sommes plusieurs et chacun a un poids. Ca peut être utile quand il y a une logique d’unité. Le but serait de s’unir sur un nom. Dans un pays qui a connu la guerre, c’est très difficile de s’unir sur un programme. Les besoins exprimés par la population seront les mêmes dans tous les programmes. C’est la manière d’y arriver qui changera.

La Centrafrique est traversé par une grave crise sécuritaire, notamment en raison des groupes armés et du non respect des accords de Khartoum. Comment comptez vous gérer cette situation ?

Anicet-Georges Dologuélé : Au départ, les groupes armés avaient des revendications politiques mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est essentiellement du banditisme. Ils sont nombreux. Nous avons perdu le contrôle et l’efficacité de notre armée. Je pense qu’il faut négocier un accord très clair avec des délais et des comportements à avoir. Soit ils veulent s’en sortir, et ils respectent les accords. Soit ils ne veulent pas et il faut alors les traiter comme des bandits. Pour s’en sortir, il faut que ce soit une combinaison de l’armée centrafricaine et de la MINUSCA. L’armée a la volonté et assez d’hommes entraînés. Mais il faut d’abord les emmener à respecter les engagements qu’ils prennent.

Comment la Centrafrique a géré la crise sanitaire du Covid-19 ?

Anicet-Georges Dologuélé : La communauté internationale a bien aidé mais c’est au niveau local qu’on rencontre des difficultés. Bien heureusement, nous avons peu de morts. C’est une espèce de sursis. Il est important que nous nous organisions mieux au niveau local. Le gouvernement a failli à ce niveau là. Il faut veiller à ce que la population porte les masques.

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Le Maroc a beaucoup investi en Afrique et notamment en Centrafique. Le Royaume peut il jouer un role d’apaisement ?

Anicet-Georges Dologuélé : Bien sûr. J’ai une bonne perception de ce que fait le Maroc en Centrafrique. Il y a certes les investissements traditionnels du Maroc (banque, assurance, hôtellerie) mais surtout un savoir faire, notamment pour les PME. En tant que libéral, je souhaite que le commerce progresse dans mon pays. Il n’y a pas meilleur exemple en Afrique que le Maroc. C’est un pays qui m’inspire beaucoup dans ce qu’il faut faire.

De nouvelles puissances essayent de se faire une place en Afrique (Russie, Turquie, Chine). Etes vous favorable à ces « nouveaux » amis ou pensez vous qu’il faut garder les liens traditionnels avec la France et l’Europe ?

Anicet-Georges Dologuélé : Internet a changé le monde et la perception que l’on en avait. Les frontières géopolitiques sont plus poreuses que dans le passé. La France ne s’engageait plus tellement et il y avait un vide. C’est pour cela qu’il y a eu un appel d’air à d’autres puissances. La France ne s’en satisfait et elle veut réoccuper le terrain. Tout cela est positif pour le peuple centrafricain. Nous avons besoin de beaucoup d’amis car nos besoins sont importants. On peut conjuguer les « anciens » et « nouveaux » amis utilement.

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Peut il y avoir une révolution citoyenne comme dans d’autres pays ?

Anicet-Georges Dologuélé : J’espère pour le président Touadéra qu’il ne sera pas autiste. Il peut considérer que c’est un peuple qui a tellement subi, qu’il absorbe tout et ne réagit plus. On peut croire des fois que les peuples dorment mais un ras le bol peut provoquer un réveil et c’est plus difficile à maitriser. Je pense que le président Touadéra a intérêt à écouter et nous dans l’opposition, nous devons être le porte voix de ce que le peuple dit, notamment sur la solidarité nationale.

Supposons que vous soyez élu président, quels sont les 3 mesures phares que vous prenez à votre arrivée ?

Anicet-Georges Dologuélé : Ma première mesure consistera à rassurer les centrafricains. Nous voulons que dans les 100 jours, ils sachent que la crise sécuritaire et sanitaire que nous connaissons est derrière eux. Ensuite, je me concentrerais sur la reprise de l’activité économique. Enfin, j’espère pouvoir mettre de l’ordre. Ce sont les 3 mesures qui permettront de réussir un mandat. Sinon, on ne fera que du saupoudrage.

 

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.