Colombie : Miss des riches Vs Reine du peuple. Qui représente vraiment le pays ?

 Colombie : Miss des riches Vs Reine du peuple. Qui représente vraiment le pays ?

Norélis, jeune assistante maternelle vit son heure de gloire. C’est la Miss d’un quartier pauvre et mal famé de Colombie

Des yachts et des baigneuses comme on peut en trouver dans les cités balnéaires dans le reste de la planète.  Nous sommes à Carthagène. La ville où cette année les plus jolies filles du pays se sont données rendez-vous pour le concours de Miss Colombie.

Ce concours de beauté est devenu un événement national. Seules quelques invitées VIP peuvent y assister. Programme transmis en direct à la télévision et bat tous les records d’audience, avec près de 10 millions de téléspectateurs. Concours et en réalité une opération de séduction organisée par le gouvernement. Les Miss colombiennes sont donc en mission spéciale. C’est le ministère du Tourisme qui tire les ficelles du concours.

Pour la petite histoire, la Colombie se relève à peine de dix ans de guerre civile. Après une décennie de lutte acharnée, Bogota a réussi à éliminer les principaux chefs militaires de la guérilla des FARCS.  Les combattants sont toujours retranchés dans les forêts.

Fier d’avoir fait reculer le terrorisme, le gouvernement joue désormais la carte du charme et expose ses trophées de guerre saisis aux barons de la drogue. D’autres prises comme les sous-marins utilisés par les trafiquants pour transporter la cocaïne sont également montrés. En revanche, les trafiquants, eux, ont réussi à s’enfuir.

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Les grands cartels comme celui de Medellín reculent ou sont carrément éliminés. Dans la baie de Carthagène, la police a réussi à saisir leurs immenses villas. Ces images de succès contre les Narcos sont supposées réintégrer la Colombie dans le giron des pays où les riches touristes peuvent venir passer leurs vacances.

« Une Miss Colombie n’est jamais noire »

Seulement, ce quartier paisible n’est qu’une enclave. Côté cour et tout autour, une autre Colombie aimerait, elle aussi, se faire connaitre. Malgré le boom économique, plus de 35% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté. Pendant que les Miss officielles défilent. Les « autres » organisent leurs propres concours. 20 filles sont en lice. Une par quartier. Objectif, rappeler la réalité du pays.

Norélis, jeune assistante maternelle vit son heure de gloire. C’est la Miss d’un quartier pauvre et mal famé de Bogota. « Le défilé des reines populaires est plus important que Miss Colombie parce que nous représentons le peuple.  Nous venons de quartiers déshérités ». Son frère ainé, soldat,  avait été tué dans une embuscade des FARCS. Sa mère élève seule les six frères et sœurs. Norélis est considérée par son quartier comme une héroïne.

En même temps que la Miss Colombie officielle, une Reine du peuple est donc élue. Celle-ci, plus authentique, aura l’avantage de représenter l’ensemble  du pays.

« Les Miss nationales sont des filles riches et leurs familles puissantes. De plus, elles ne sont jamais noires », fait remarquer Norélis. Les organisateurs se disent sans doute qu’une femme noire ne peut représenter le pays. A côté de la pauvreté, bien des clichés ont encore la vie dure en Colombie.

Mishka Gharbi