Nadja Makhlouf : « les femmes sont les grandes absentes des récits de guerre »

 Nadja Makhlouf : « les femmes sont les grandes absentes des récits de guerre »

La photographe franco-algérienne Nadja Makhlouf. Photo : @ Augustin Le Gall


Le 23 mars, la photographe Nadja Makhlouf donnera une conférence « De l’invisible au Visible: Moudjahidate, Femmes Combattantes » au Musée du Quai Branly. Interview.


Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur les femmes combattantes ?


Mon projet s’articule autour d’une trilogie intitulée « Algérie, Algériennes » dans laquelle je m’interroge sur le statut des femmes dans le pays. Il y a un rapport à la femme différent selon si l’on se trouve dans une zone urbaine, dans le désert ou dans les montages algériennes… J’ai voulu raconter l’histoire des femmes à travers ces régions-là. 


Aujourd’hui, je me concentre sur le troisième volet, autour des femmes touaregs dans le désert algérien. Je pensais que j’allais terminer ce projet en six mois. Cela a pris beaucoup plus de temps parce que ces femmes sont fragiles et faibles mais ravies et fières de parler de leur histoire.


Outre l’histoire algérienne, et de manière générale, les femmes qui participent à des guerres sont les grandes absentes des récits. On en parle pas ou peu. C’est dommage que ça n’existe pas suffisamment dans les livres scolaires et dans la parole.


Vous vous considérez comme une artiste féministe ?


Oui ! Au départ, je n’étais pas à l’aise avec ce terme. Les féministes sont souvent catégorisées. Il y a souvent du négatif dans ce mot. On l’associe à la rigidité. Cela ne me correspondait pas. A l’époque, j’étais en colère contre les hommes. La photographie, c’était ma manière de mener ce combat.


Les femmes en Algérie étaient très souvent stigmatisées. Je trouvais que les hommes prenaient trop de place et qu’on les excusait de tout. Pour moi, le féminisme s’applique autant chez les hommes que chez les femmes. J’envisagerai d’ailleurs un jour de travailler sur des hommes, et non des femmes. Aujourd’hui, cette colère s’apaise en moi. Pour autant, je ne voudrais pas qu’elle s’éteigne totalement.


Quels sont vos prochains projets ?


Je travaille désormais sur les femmes qui se dévoilent. Il y a beaucoup de choses à dire sur cet épineux et délicat sujet. Je souhaite rendre ces femmes visibles et libérer autant que possible leur parole. Ce travail prendra évidemment la forme de photographies en couleurs, en opposition à mes travaux plus intimes, qui sont le plus souvent en noir et blanc.


Vous êtes franco-algérienne. Quelle est votre réaction à l’annonce d’Abdelaziz Bouteflika de ne pas se représenter pour un 5e mandat ?


C’est mitigé. Au début, j’ai trouvé ça super. C’est une petite victoire, cela veut dire que le peuple a été entendu. Ne serait-ce que pour ça, je suis très contente. Mais lorsque j’interroge mes amis et mes proches en Algérie, j’ai des retours plus nuancés. C’est une première victoire, mais on ne s’emballe pas trop, me disent-ils. Essayons de voir sur les prochains mois ce qu’il va se passer, si la mobilisation va perdurer tous les vendredis… Je crains que cela ne dégénère. Tout ce que je souhaite, c’est que cette mobilisation reste pacifique.


Propos recueillis par Chloé Juhel


Infos pratiques :

4e édition de « L’ethnologie va vous surprendre ! » au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac


Samedi 23 et dimanche 24 mars

Plus d’infos sur www.quaibranly.fr



 

Chloé Juhel