Eric Ciotti au Maroc : les dessous d’une visite

 Eric Ciotti au Maroc : les dessous d’une visite

crédit photo : Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Eric Ciotti réussira-t-il là où tous les missi dominici d’Emmanuel Macron ont échoué, à savoir réchauffer des relations glaciales entre le Maroc et la France ? Rien n’est moins sûr mais le président des Républicains qui a l’oreille du président, malgré le couac sur la réforme des retraites qui entend poursuivre « une relation de responsabilité » autour d’un « même souci d’assurer la stabilité autour de la Méditerranée » semble avoir compris que le royaume refuse désormais d’être pris de haut et exige un traitement à la hauteur de ses ambitions régionales.

« Ce déplacement réaffirme l’attachement de notre famille politique aux liens d’amitié qui unissent nos deux pays », nous informe le parti des Républicains. « Il s’inscrit dans la continuité d’une riche histoire entre le royaume chérifien et la famille gaulliste, marquée par le lien historique qui rapprocha le Général de Gaulle du roi Mohammed V, compagnon de la Libération », ajoute le communiqué.

Eric Ciotti qui sera au Maroc du 3 au 5 mai prochains, accompagné d’une forte délégation des Républicains reconnait au passage « un souci de sécurité et de progrès porté aujourd’hui avec ambition par le roi Mohammed VI, interlocuteur incontournable des enjeux méditerranéens ».

D’aucuns ont vu dans la programmation de cette visite l’occasion pour le patron de la droite de discuter avec la partie marocaine de la question de l’immigration maghrébine en raison du report du projet de loi sur l’immigration, par Elisabeth Borne qui estime qu’à ce jour « il n’existe pas de majorité pour voter un tel texte surtout au moment où les responsables des Républicains, doivent encore dégager une ligne commune entre le Sénat et l’Assemblée nationale », a-t-elle reproché.

S’il semble, à la surprise de certains et pour le moment, capable de recoller les morceaux d’une relation abîmée par un Emmanuel Macron clivant, c’est que Ciotti a tout du digne héritier de Jacques Chirac, le bagout en moins.

Comme son maître à penser et malgré des convictions marquées et des prises de positions historiquement incontestées vis-à-vis du royaume d’un parti qui a toujours été capable de peser et de compter dans le paysage politique français, le patron des Républicains aura besoin d’un leadership en béton pour remettre des relations crispées entre les deux pays sur les rails.

N’oublions pas qu’il y a juste quelques jours,  la demande de Gérard Larcher, président du Sénat français de venir au Maroc avait reçu une fin de non-recevoir polie mais ferme du ministère marocain des affaires étrangères malgré la présence dans la délégation de personnalités considérées comme « de grands amis du royaume », comme Christian Cambon, décoré du Wissam alaouite de l’ordre de commandeur en 2013, sénateur du Val-de-Marne et président du groupe d’amitié France-Maroc au Sénat, et Hervé Marseille, sénateur des Hauts-de-France et vice-président du même groupe d’amitié.

Le prétexte d’un séminaire entre les deux chambres, auquel devaient prendre part (entre autres) Khammar Mrabit (Parti authenticité et modernité), Mohamed Youssef Alaoui (CGEM), Nabil Elyazidi (Mouvement populaire), Aziz Mokannef (Parti socialiste), n’a pas été pris en considération et le dernier contact remonte à décembre 2022 avec le déplacement de parlementaires marocains en France au moment même où l’Élysée faisait le forcing pour obtenir une date précise  pour un éventuel voyage d’Emmanuel Macron au Maroc.

Et ce, au moment même où l’ex-conseiller du président français Stéphane Séjourné manœuvrait à Bruxelles pour faire passer la résolution du Parlement européen sur la liberté de la presse au Maroc, en faveur de laquelle les députés français avaient voté.

Voilà, le décor est planté, à savoir maintenant ce que Ciotti va apporter dans sa besace pour convaincre.

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Abdellatif El Azizi