Comprendre la flambée de violence raciste dans le sud du pays

 Comprendre la flambée de violence raciste dans le sud du pays

La statue du général Jackson est l’un des nombreux monuments à la gloire de l’armée sudiste existant encore aux Etats-Unis


Dressé au milieu d’un carrefour fréquenté de la ville d’Alexandria, tournant le dos à la capitale fédérale Washington, il regarde vers le sud où se trouvent les champs de bataille de la guerre de Sécession sur lesquels sont tombés ses camarades. La statue en bronze de ce soldat confédéré, érigée il y a près de 130 ans, s’appelle « Appomattox ». C’est dans cette petite ville de Virginie (est) que les troupes confédérées se sont rendues aux soldats de l’Union en 1865.


Elle fait partie des centaines de monuments rendant hommage à la mémoire des soldats confédérés tués pendant ce sanglant conflit de quatre ans. La polémique autour du devenir de ces symboles controversés du Sud esclavagiste n’a fait qu’augmenter ces dernières années. Les événements tragiques de samedi à Charlottesville ont remis de l’huile sur le feu. Une contre-manifestante a été tuée lors de protestations des suprémacistes blancs voulant empêcher le retrait d’une statue du général sudiste Robert E. Lee.


Le président Donald Trump, tout en déclarant ne pas vouloir agir politiquement dans ce dossier épineux, a semblé donner raison mardi aux défenseurs des monuments confédérés. « George Washington possédait des esclaves (…). Est-ce qu’on va enlever ses statues », a-t-il demandé, en référence au premier président des États-Unis, mort bien avant la guerre de Sécession. Une position qui lui a attiré les foudres de la classe politique, y compris au sein de son parti. De nombreux responsables lui reprochent de jeter de l’huile sur le feu par sa position nuancée refusant de condamner les groupes racistes et néonazis.


 


Statue à l’effigie du fondateur du KKK


Des monuments confédérés ont déjà été retirés, notamment dans le sud où il n’est pas rare de voir encore flotter des drapeaux confédérés, considérés comme des symboles racistes. À Durham (Caroline du Nord), la statue d’un soldat confédéré érigée en 1924 a été abattue lundi par des manifestants et, le même jour, une autre a été déboulonnée à Gainesville (Floride). À Nashville (Tennessee), des dizaines de manifestants ont réclamé le retrait du Capitole d’un buste de Nathan Bedford Forrest, général confédéré et fondateur du Ku Klux Klan.


Le maire de Lexington (Kentucky), Jim Gray, a annoncé samedi sa volonté de déplacer deux statues confédérées. « À Lexington se trouvait l’un des plus grands marchés aux esclaves d’Amérique », a rappelé M. Gray. « Nous ne pouvons pas continuer à rendre hommage à ces hommes qui se sont battus pour préserver l’esclavage, sur un sol où des hommes, des femmes et des enfants ont été eux-mêmes vendus comme esclaves », a justifié l’édile.


Des statues du général Lee, du général P.G.T. Beauregard et de l’ex-président des États confédérés Jefferson Davis ont été déboulonnées à La Nouvelle-Orléans (Louisiane). « La Confédération était du mauvais côté de l’histoire et de l’humanité », expliquait en mai Mitch Landrieu, son maire.


 


Monuments de provocation


Selon un rapport publié en 2016 par le Southern Poverty Law Center (SPLC), spécialisé dans les mouvements extrémistes et les droits civiques, plus de 1 500 symboles confédérés demeurent encore dans l’espace public aux États-Unis, la plupart dans le sud. Ce chiffre inclut plus d’une centaine d’écoles publiques portant le nom de soldats ou d’hommes politiques des États confédérés.


Pour leurs défenseurs, enlever ces symboles revient à effacer un pan de l’histoire américaine et de l’héritage sudiste. Mais, selon les historiens, la majorité a été érigée pendant la ségrégation raciale ou en réaction au mouvement des droits civiques dans les années 1960. « Dans la plupart des cas, préserver l’histoire n’était pas l’objectif véritable de ces installations », a expliqué Richard Cohen, président du SPLC, dans un communiqué, soulignant qu’elles « ont parfois été érigées par provocation par des suprémacistes blancs opposés à l’égalité pour les Noirs ».


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif