« Ce n’est pas un lieu de radicalisation, c’est une agence »

 « Ce n’est pas un lieu de radicalisation, c’est une agence »

Sonia Mariji


 


Dimanche à Nantes, l’agence de finance islamique Noorassur, qui devait ouvrir ses portes dans la semaine, a vu sa vitrine explosée en plein jour. Un acte odieux dénoncé par sa présidente, Sonia Mariji, qui s’inquiète des dérives racistes dont sont victimes les musulmans en France. Interview.


 


LCDA : Dimanche (7 février), votre agence de Nantes a été prise pour cible.


Tout à fait. Dans l’après-midi de dimanche, notre nouvelle agence qui devait ouvrir cette semaine à Nantes a été attaquée. Ils ont explosé la vitrine. Ce n’est pas un caillou qui a été jeté, ils sont venus avec quelque chose de costaud, un marteau, une massue… Un acte lâche, raciste, sans doute lié à l’activité.


 


LCDA : Y-a-t-il eu des témoins, en savez-vous plus sur l’identité des agresseurs ?


J’ai eu des informations comme quoi un mouvement lié à l’extrême droite devait se réunir pour une manifestation samedi à Nantes. Ils n’ont pas eu l’autorisation, et le lendemain notre vitrine est explosée, je n’accuse personne mais… Ca s’est passé entre 13h et 16h dans un quartier tranquille, un endroit résidentiel, avec pas mal de personnes âgées. Autour, les banques, les agences, les compagnies n’ont pas été touchées. Notre agence a été visée. 


 


LCDA : Avez-vous déjà été victime de menaces ?


Oui on a eu des menaces. Lorsque l’agence de Chelles a ouvert, notre directeur a reçu la visite d’un sacré gaillard, une armoire glace. Très remonté il a menacé de péter la vitrine, assurant que ça se terminerait avec des balles si on ne fermait pas boutique. Le directeur a réussi à le calmer et le type est reparti, ça s’est arrêté là. Nous n’avons pas porté plainte, je commence à le regretter maintenant. Je ne voulais pas en parler pour qu’on ne se pose pas en victime. Je voulais rester sur le côté positif de la finance islamique.


 


LCDA : L’effectif de l’agence doit être dans l’angoisse…


Tout à fait. Actuellement une dizaine de personnes dont des femmes qui devaient commencer à travailler vivent dans la peur, l’angoisse, de se demander quelles seront leurs conditions de travail. Heureusement qu’il n’y avait personne à l’agence, sinon comment ça se serait passé ? Quelqu’un capable de venir péter votre vitrine en plein jour…


 


LCDA : La semaine dernière, vous avez lancé la première édition de votre trophée du vivre ensemble, quel contraste…


Exactement. Il y a une semaine je faisais le trophée Noorassur et là il y a cet acte. Un contraste entre ce qu’on veut transmettre, un message de vivre ensemble, d’une finance islamique éthique, affinitaire et de l’autre des gens qui ne comprennent pas. Ils ont un manque de connaissance de la finance islamique et de l’islam en général.


A la radio, on m’a demandé si on ne payait pas le fait d’appeler "finance islamique", j’ai répondu que je ne pouvais pas galvauder le nom. On en est là à devoir se justifier, je trouve ça inquiétant. Nous sommes en France, il s’agit d’une agence où des gens vont venir pour souscrire des produits, des contrats, il faut relativiser. Ce n’est pas un lieu de radicalisation, on ne va pas recruter, c’est une agence.


 


LCDA : Ce qui vient de se passer va-t-il changer quelque chose pour vous ?


Ca me motive encore plus à continuer. Je ne vais pas arrêter car une minorité de personnes, qui ne comprennent rien se défoulent. Je dénonce ces actes autant que tous les autres, quand ils s’en prennent aux mosquées, aux synagogues… Les fondements de la République sont attaqués. Nous sommes dans le pays de la liberté d’expression, pourquoi on ne pourrait pas faire de la finance islamique ? Quel est le rapport avec une minorité de gens qui font des actes odieux et qui n’ont rien à voir avec la majorité des musulmans qui vivent tranquillement leur culte. C’est aberrant.


 


Propos recueillis par Jonathan Ardines


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Jonathan Ardines