Des créatrices de « mode islamique » défendent leur vision de l’élégance

 Des créatrices de « mode islamique » défendent leur vision de l’élégance

La mode pudique représente un marché de plusieurs centaines de milliards de dollars dans le monde. (Illustration)


« On peut être élégante dans des vêtements longs » : en pleine polémique sur la mode islamique, Hélène Agesilas et Malika Maza, à la tête de l'une des marques de « mode pudique » apparues en France ces dernières années, déplorent un débat « stérile ».


 


Une réponse à un besoin d'une partie des consommatrices


Les deux mères de famille musulmanes ont lancé Fringadine en 2014, petite marque proposant des vêtements couvrants à la touche rétro, qui correspondent à leur pratique religieuse, mais aussi à leur goût pour « la qualité » et des pièces « intemporelles ». « On répond au besoin de beaucoup de femmes en Europe. Il y a une demande », disent-elles. Leurs clientes sont en majorité musulmanes, mais pas uniquement, affirment ces deux autodidactes, regrettant la polémique en France autour des enseignes qui développent des collections de vêtements islamiques, comme Uniqlo et Marks&Spencer, ou Dolce&Gabbana.


« Pour nous, la mode est plurielle, ouverte à tout le monde. Franchement, on ne comprend pas. C'est une discussion stérile », dénonce Hélène. Cette convertie d'origine antillaise s'est sentie « insultée » par les propos de la ministre Laurence Rossignol, comparant les femmes qui portent ces vêtements aux « nègres » pro-esclavage.


 


Un marché de 266 milliards de dollars


Malika, qui vit à Londres, note que la « modest fashion » (« mode pudique ») s'est développée en Grande-Bretagne avant la France. Et « cela n'a pas été un grand scandale ». « On ne s'attarde pas sur la richesse de la diversité en France. Or, il y a des opportunités extraordinaires », dit-elle, citant une étude selon laquelle les dépenses des musulmans consacrées aux vêtements dans le monde, évaluées à 266 milliards de dollars, pourraient atteindre 484 milliards en 2019.


Alors que des féministes sont vent debout contre cette mode islamique et qu'Élisabeth Badinter appelle à boycotter les marques occidentales qui vendent ces tenues, les fondatrices de Fringadine s'insurgent contre les « clichés » sur les femmes voilées et « une stigmatisation » des musulmans. « Moi, j'ai choisi de porter le voile toute seule », affirme Malika. « J'ai fait des études, je me considère comme féministe. Je porte le hijab, mais chez moi, c'est moi qui ai la plus grande bouche ! »


 


Loin du bling-bling moyen-oriental-


Les deux quadragénaires, qui revendiquent une démarche « éthique », travaillent avec une modéliste et font réaliser leurs vêtements en France par des couturières. Ce qui fait monter les prix : 150 euros en moyenne. Les collections sont réduites et les deux amies remboursent tout juste leurs emprunts, sans pouvoir encore se verser de salaire.


Selon le blogueur musulman « orthodoxe » Fateh Kimouche, spécialiste de l'économie islamique, des dizaines de marques de ce type se sont développées ces dernières années en France, comme Misstoura, Inès à Paris, Dabaïa Collection, Al Moultazimoun, Hijab Glam…


Férues de défilés, les cofondatrices de Fringadine, qui avouent un faible pour Valentino, ont voulu « se distinguer par rapport à ce qui se fait ailleurs dans la +modest fashion+ », notamment du style du Moyen-Orient, « où on va trouver beaucoup de matières légères, du polyester, du bling-bling ».


R.C


(Avec AFP)

Rached Cherif