« Même pour aller retirer mon passeport biométrique, c’est l’Enfer », Rachid, ressortissant algérien

 « Même pour aller retirer mon passeport biométrique, c’est l’Enfer », Rachid, ressortissant algérien

Photo d’illustration. Consulat d’Algérie de Vitry-sur-Seine. Capture d’écran / Youtube


 


La première fois, Rachid, la cinquantaine est parti de chez lui, il habite à La Courneuve, donc pas très loin du consulat d’Algérie situé à Bobigny (93), assez tard. « Enfin, il était quand même 7h30 », tient-il à préciser. Le voici donc sur place un jeudi d'août  2015, peu avant 8h, heureux de venir « enfin », « après plusieurs mois d’efforts », retirer son passeport biométrique.


 


Il pensait réellement qu’il avait fait le plus dur, avec notamment « l’histoire du 12 S, où j’ai mis 3 mois pour l’obtenir », rappelle-t-il toujours aussi agacé (NDRL : le nouvel extrait d’acte de naissance imaginé par le ministre de l’Intérieur, un véritable casse-tête chinois pour l’avoir), puis sa venue au consulat pour déposer son dossier, « deux jours à faire des allers-retours », peste-t-il. « Après avoir autant galéré pour déposer mon dossier, j’étais persuadé que le récupérer serait une formalité, surtout pendant les vacances, en plein mois d'août, mais ça a été l'Enfer », continue Rachid, qui est loin de se douter de ce qui l’attend. 


A 8h, quand il se présente devant le consulat, il y a déjà pas mal de monde. Rachid rejoint la queue. Vers 10h, il atteint enfin le guichet. « Le monsieur  m’annonce alors qu’il n’y a plus de tickets ». Rachid est furieux. « J’ai attendu deux heures pour rien», lâche-t-il tout haut, préférant partir que de s’énerver, « sachant très bien qu'il n'obtiendra rien au final ».


A cause de la foule, et « pour pouvoir traiter toutes les demandes », dixit les autorités algériennes, le consulat de Bobigny délivre en moyenne et par jour 200 tickets. Une fois le précieux sésame en poche, il faut de nouveau attendre pour être appelé. Rachid rentre chez lui assez en colère donc, mais bien déterminé à revenir asse vite. « En même temps, je n’avais pas le choix. Il paraît que le consulat garde les passeports deux mois avant de les détruire », dit-il, les yeux tournés vers le ciel pour montrer le côté aberrant de la chose. 


« La seconde fois, j’étais devant les portes à 6H30 et même s’il y avait énormément de monde, je ne pensais pas revivre la même mésaventure ». Rebelote : il arrive trop tard et il n'y a déjà plus de tickets une fois arrivé au guichet. 


Pour sa troisième tentative Rachid préfère mettre « toutes les chances de son côté ».  Ce samedi 22 août, Rachid arrive devant le consulat algérien de Bobigny à 5h. « Je suis quand même ressorti à 15h », soupire le cinquantenaire, soulagé au final d'avoir son passeport biométrique en poche, un document qu'il a rebaptisé comme beaucoup de ressortissants algériens « le passeport kilométrique ». 


Rachid sait très bien qu'il n'est pas le seul à avoir vécu une telle expérience.  « De toute manière, je ne connais pas un Algérien qui se rend au consulat sans avoir une boule au ventre. Tous mes amis me disent la même chose », explique ce dernier. « Pourtant je vous jure qu'énormément de gens se plaignent, on a juste l'impression que les autorités algériennes s'en foutent », lâche, dégoûté, Rachid. 


Justement, au consulat de Bobigny, un des employés, sous couvert d’anonymat, avoue ne pas comprendre sa direction. « On est la risée de tous. Il n’y a pas un jour qui passe sans qu’on se fasse insulter. Un jour, ça va finir mal », pense-t-il. Un employé du consulat qui ne comprend surtout pas que rien n’est fait « pour améliorer les choses ». « On pourrait par exemple développer le système sur internet. Et aussi, embaucher du personnel », pointe-t-il. « Il n’y a que dans les consulats algériens que ça se passe mal », avoue gêné l'employé. 


Effectivement, les ressortissants marocains ont l'air d'être mieux lotis. Comme Fatiha, née au Maroc, arrivée en France très jeune. Elle possède la double nationalité, française et marocaine. Elle vit à Grigny, dans l’Essonne (91), mais dépend du consulat marocain du Val-de-Marne qui se trouve à Orly. Il y a quelques mois, elle a fait son passeport biométrique. Elle nous raconte : « Un matin, j’y suis allé vers 9h. Il y avait un peu de monde donc ça a pris un peu de temps.  Enfin, je suis sorti deux heures plus tard », raconte-t-elle. Pour venir le chercher ? « J'y suis allée sans rendez-vous et on me l'a donné en moins d'une heure », sourit la jeune fille. 


Loin de nous l'idée de minimiser ce qu'il se passe dans les consulats algériens, mais on précise tout de même qu’il y aurait en France à peu près trois fois plus de ressortissants algériens que de Marocains …


En ce qui concerne les Tunisiens, on croit rêver en écoutant Abdallah. « Je suis parti déposer deux dossiers le matin, le mien et celui de mon fils ». Quelques heures plus tard, il repartait du consulat tunisien avec ses deux passeports tunisiens … 


 


Nadir Dendoune

Nadir Dendoune