Quartiers prioritaires : Mohed Altrad doute de pouvoir accomplir sa mission

 Quartiers prioritaires : Mohed Altrad doute de pouvoir accomplir sa mission

Mohed Altrad tape du poing sur la table face aux résistances qu’il rencontre pour faire sortir les quartiers de l’isolement économique.


L’entrepreneur franco-syrien Mohed Altrad n’a « pas la certitude de pouvoir accomplir » sa « mission correctement » au sein de l'Agence France Entrepreneur au regard du fonctionnement des aides publiques dans les quartiers prioritaires.


 


Coup de gueule contre des mécanismes figés


« Sur les 2,5 milliards d'euros injectés par l’État dans les quartiers prioritaires, 80 % vont à Pôle emploi, à des prêts d’honneur de France Initiative, à des exonérations fiscales pour la création d’entreprises, à des associations comme l’Adie » (Association pour le droit à l'initiative économique), dit-il. « Mais, au final, il n’y a pas grand-chose qui va directement aux agents économiques de ces quartiers. De plus, il n’y a pas de mesure de l’efficience de ces investissements », déplore celui qui est à la tête du groupe Altrad (échafaudages, bétonnières, brouettes, services aux industries).


« Si c’est pour partir sur les mêmes principes, où l’argent part surtout dans des frais de fonctionnement alloués à des réseaux et des personnes qui courent les cocktails avec un badge tricolore, je ne vois pas ce que j’ai à faire là-dedans », tacle le président du club de rugby de Montpellier.


 


Jouer « l’Arabe de service »


« Je veux bien être instrumentalisé et jouer “l’Arabe de service”, si les choses vont dans le bon sens », poursuit celui qui a été élu entrepreneur de l'année 2015 par le prestigieux cabinet américain Ernst&Young et emploie 17 000 salariés.


« Moi, je veux aller dans les Paillade (quartier populaire de Montpellier, NDLR) de France, parler aux gens, créer une BPI (Banque publique d'investissement) des pauvres, nommer un entrepreneur référent dans chaque secteur, utiliser la BPI et la Caisse des Dépôts comme relais. Je suis prêt à le faire, mais je veux avoir la garantie de pouvoir le faire correctement ». « Je ne cherche pas un job », ironise la première fortune du Languedoc-Roussillon et 61e fortune professionnelle de France, comme pour mettre son poste en jeu en vue d’un réel changement de fonctionnement.


 


Offrir des perspectives dans les quartiers


Né dans une famille de bédouins de Raqqa en Syrie, Mohed Altrad est devenu un symbole de l’intégration et de la réussite au mérite à la française. Un cas toutefois isolé en raison du manque de perspective pour de nombreux jeunes, notamment dans les quartiers. Justement, le patron d’Altrad voit dans cette mission octroyée par l’Élysée un moyen de « créer de l’emploi ». « C’est mon seul intérêt », dit-il.


Dix ans après les émeutes qui avaient secoué les banlieues défavorisées, François Hollande avait annoncé à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) en octobre 2015, la création d'une Agence France Entrepreneur, chargée de promouvoir le développement des entreprises dans des territoires en difficulté. Au sein de cette structure, M. Altrad préside le comité d'orientation stratégique, chargé notamment de mobiliser les entreprises et les personnalités.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif