La France, championne d’Europe de l’enfermement en rétention

 La France, championne d’Europe de l’enfermement en rétention

De G à D : David Rohi (La Cimade)


 


C'est aujourd'hui (1er juillet) qu'a lieu l'examen du texte du projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Hier, cinq associations présentaient leur rapport annuel sur les centres et locaux de rétention, l'occasion de faire le point sur l'enfermement en France et d'émettre quelques réserves sur le projet de loi en examen. Des voix à prendre en considération parce que les chiffres ne mentent pas : la France est bien championne d'Europe de l'enfermement en rétention et de loin…


 


Champions d'Europe


Selon le rapport annuel de cinq associations (ASSFAM, Forum réfugiés-Cosi, France terre d'asile, La Cimade et Ordre de Malte France), en 2014, près de 50 000 personnes ont été privées de liberté dans des centres ou locaux de rétention administrative (CRA ou LRA). Un chiffre représentant une augmentation de 9% par rapport à 2013, quand la France enfermait déjà cinq fois plus qu'en Espagne et 18 fois plus qu'en Angleterre. Cependant David Rohi, responsable de la Commission éloignement  de La Cimade, tient à rappeler que « derrière chaque chiffre, c'est une personne qui est enfermée. Il ne faut pas se laisser aller à la banalisation de l'enfermement ».


 


Projet de loi trop frileux


Le texte de projet de loi présenté à l'Assemblée nationale est beaucoup trop frileux au goût des associations. Et même pire : « Il renforce le système d'enfermement et de coercition » selon Lucie Feutrier-Cook de l'Ordre de Malte France. Cette dernière ajoute : « Le texte ne revient pas sur l'arsenal de la réforme de 2011 de la loi dite Besson pour expulser plus au détriment des droits. Notamment sur la durée maximale de rétention maintenue à 45 jours[Contre 32 jours avant la réforme, ndlr] et sur le recul de l'intervention du juge à cinq jours après la mise en rétention, qui sera pleinement conservé [L'ancien délai étant de 48h, ndlr] ». Un accès aux droits limité qui favorise les expulsions.


 


Albanais et Roumains dans le viseur


« En 2014, 1713 Européens ont été éloignés, principalement des citoyens roumains qui, par


ailleurs, bénéficient d'une relative liberté de circulation et de séjour. Ils devraient bénéficier d'un délai de départ volontaire pour exécuter l'OQTF [Obligation de quitter le territoire français, ndlr] » rappelle Pierre Henry, de France terre d'asile. Jean-François Ploquin (Forum réfugiés-Cosi) abonde dans le même sens : « Les Roumains très représentés en CRA, font l'objet d'une procédure en général très rapide, avec taux d’exécution de 83% ». De plus, Pierre Henry pointe le fait que des nationalités soient visées. Les Roumains mais aussi les Albanais, quatrième nationalité enfermée (derrière les Tunisiens, Marocains et Algériens) et première nationalité expulsée.


 


Droit d'asile ?


Autre souci : le droit d'asile. Alors que certaines personnes fournissent les documents attestant de la mise en place de démarches pour obtenir l'asile, elles sont quand même placées en rétention selon Marie Lindemann de l'ASSFAM : « La préfecture, pour maintenir le placement en rétention, a considéré que leur demande d'asile était abusive, dilatoire ou faite que pour faire échec à la mesure d'éloignement. Ce qui est complètement contraire au droit d'asile ». Même « en règle », l'étranger reste soupçonné par les institutions.


 


Liberté


« Dans ce pays normalement la liberté est la règle, la rétention est l'exception. Nous demandons une durée de rétention à 32 jours, une intervention du juge dès 48h après mise en rétention. Il faut également travailler sur les alternatives à la rétention » rappelle Pierre Henry. Si les différentes associations ont été consultées, jusqu'ici il semblerait qu'elles n'aient pas été réellement écoutées. Le combat pour la modification de ce projet de loi pourrait être encore long…


 


F. Duhamel

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