Joe Biden à la tête des Etats-Unis : quels enjeux à l’international ?

 Joe Biden à la tête des Etats-Unis : quels enjeux à l’international ?

Photo by Jim WATSON / AFP

Dès l’annonce le samedi 7 novembre de la victoire du binôme Joe Biden-Kamala Harris à la présidence et la vice-présidence des Etats-Unis d’Amérique, les messages de félicitations pleuvent des quatre coins du monde, d’Emmanuel Macron à Justin Trudeau, d’Angela Merkel à Boris Johnson, de la présidence de l’UE à bien d’autres gouvernements. Comment se dessinent les perspectives à l’international suite à ce changement à la tête de la première puissance économique et militaire à l’échelle mondiale ? Et plus particulièrement pour la France et l’UE en général ? 

Nous allons tenter quelques réponses à l’aune des sujets les plus stratégiques : 

Guerre commerciale avec la Chine

Joe Biden continuera sur la voie du président sortant en y mettant certainement les formes et la diplomatie. Les européens mettent à l’actif de Donald Trump d’avoir opéré une réelle rupture dans les relations commerciales avec la Chine. Sebastien Laye, entrepreneur franco-américain et chercheur à l’Institut Thomas More a reconnu l’action de Trump en déclarant : « Il a ouvert les yeux des Européens sur la réalité de la menace chinoise, et commencé le sale boulot pour nous ».

La crise Covid-19 a mis à nu les failles dans tous les pays du monde en matière d’approvisionnements de produits essentiels comme de simples masques, de respirateurs artificiels, de médicaments. Au nom de la compression des coûts, le monde a fait de la Chine son usine où l’essentiel des produits de base est fabriqué. Plus de 80% des réactifs nécessaires à la production de médicaments sont fabriqués en Chine. Mais ce constat concerne plusieurs filières industrielles : composants électroniques, pièces de voitures, équipements télécom, ordinateurs, matériel médical… Sur ce sujet, Joe Biden compte sur l’accompagnement de l’UE. 

Lutte contre le réchauffement climatique

Comme nous le savons, Donald Trump a quitté les Accords de Paris et ceci a été concrétisé ces derniers jours. Joe Biden s’est engagé lors de sa campagne à re rejoindre ces Accords et ce « dès le premier jour de son investiture ». Il a même annoncé lors d’un meeting qu’il fera de la transition verte l’une de ses priorités avec un objectif à horizon 2035, de zéro émission nette de carbone. Il déclare dans son programme que les secteurs de l’économie verte sont créateurs d’emplois pour les jeunes et plus rémunérateurs. Il s’agit là d’une opportunité importante pour les entreprises françaises et européennes dans les domaines de la mobilité, des énergies renouvelables, du traitement de l’eau et des déchets. 

>> Lire aussi : Des ONG alertent sur les incohérences des financements de la France

Production et prix du pétrole et du gaz

Donald Trump a honoré son engagement de permettre de nouveaux forages pétroliers et la construction des réseaux de pipelines. Il avait comme objectif de prendre la première place dans la production de pétrole, devant l’Arabie Saoudite et la Russie, mais aussi devenir le premier producteur de gaz devançant la Russie et l’Iran. Cette production massive supplémentaire couplée à la crise Covid, a précipité la chute brutale des prix, mettant en difficulté tous les pays producteurs de pétrole et gaz, mais au grand bénéfice des consommateurs, des industriels et des transporteurs de par le monde. 

Présence des entreprises françaises aux Etats-Unis

Les statistiques indiquent qu’il y a 4.800 entreprises françaises qui opèrent aux USA et qui emploient 730.000 personnes. Toutes ces entreprises ont bénéficié du programme économique de Trump notamment l’allégement de la charge fiscale. Elles appréhendaient l’élection de Joe Biden dont le programme prévoyait une augmentation des impôts. Mais c’était sans compter avec les ravages du Covid. Pour relancer la machine économique, Joe Biden évitera d’alourdir la fiscalité et engagera un plan de relance massif dans l’éducation, la santé, les infrastructures entre autres. Ce sont là de réelles opportunités pour les entreprises françaises et européennes. 

Multilatéralisme

Donald Trump et son « America First » a engagé les Etats-Unis dans une posture de repli sur soi. Il s’est retiré des Accords de Paris sur le climat, sorti de l’accord sur le nucléaire iranien, retrait d’une partie des troupes américaines au Moyen-Orient et sorti récemment de l’OMS. Il comptait, s’il était réélu, de retirer les Etats-Unis de l’OTAN au grand bonheur de Vladimir Poutine et de Recep Tayyip Erdogan. Il a déjà mis sous pression les européens pour supporter la lourde facture financière de l’Alliance atlantique.

Il faut reconnaître que même si Emmanuel Macron n’a pas eu une réelle influence sur Trump, il a bénéficié du vide pour occuper le terrain et mener des dossiers chauds à l’international, et avance sur le sujet de l’autonomie stratégique européenne. Joe Biden a exprimé la volonté de maintenir le leadership américain au lieu d’ « America first », de promouvoir les valeurs de liberté, des droits de l’Homme et de la démocratie dans le monde, et réanimer le multilatéralisme. Semble-t-il, 2.000 démocrates américains sillonnent le monde actuellement pour établir les réseaux de contacts de Joe Biden. La tendance de fond sera le retrait progressif des américains des affaires européennes.

>> Lire aussi : Trump VS Biden : des élections américaines sous haute tension

C’est ce qui explique l’augmentation significative des budgets défense des pays membres de l’OTAN. Les dépenses militaires ont dépassé le niveau de 2% du PIB pour 10 pays membres de l’OTAN sur un total de 30 membres. L’UE devait être inquiète quant à la réélection de Donald Trump. N’a-t-il pas tweeté, il y a quelques semaines, que l’UE était « presque aussi terrible que la Chine » ? N’a-t-il pas taxé le vin et le fromage français ? N’a-t-il pas menacé de mettre une taxe de 25% sur les voitures européennes si les Etats-Unis n’arrivent pas conclure un nouvel accord avec l’UE ? L’élection de Joe Biden doit être bien accueillie par les européens. Car tout en défendant certes les intérêts américains, il devra faire de l’UE un allié pour mieux affronter la Chine.

Quid des GAFAM ?

Contrairement à l’aile gauche du parti démocrate qui prône le démantèlement des mastodontes Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, le programme de Joe Biden laisse une place de choix pour l’innovation technologique. De plus, les GAFAM sont considérés comme des leviers de rayonnement et de la domination américains.

>> Lire aussi : Etats-Unis : Deux visions de la « Démocratie en Amérique », de Tocqueville à Trump

Malika El Kettani