« On vit ensemble, on souffre ensemble », Fahima Benaissa, après son marathon des sables

 « On vit ensemble, on souffre ensemble », Fahima Benaissa, après son marathon des sables

Le marathon des sables


Il lui a fallu un peu de temps à Fahima Benaissa pour redescendre de son extraordinaire aventure. Cette sportive de 44 ans a participé en avril dernier à son premier marathon des sables (voir nos éditions).


La course, qui a lieu chaque année début au Maroc, autour de la ville de Ouarzazate, est connue pour être l'une des plus difficiles au monde. C'est un trail extrême, long de 250 kilomètres dans le désert marocain avec une température extérieure avoisinant les 45 degrés. 6 jours en autosuffisance alimentaire où chaque concurrent doit porter son équipement et son matériel. Fahima n'a rien lâché puisant à l'intérieur d'elle même pour réaliser son rêve. Elle en ressort grandie.


 


Vous êtes arrivée au bout du marathon des sables… Comment vous sentez-vous ?


Déjà, je me sens très sereine. J'ai conscience d’avoir accompli quelque chose de grand. Quelque chose que je ne pensais jamais atteindre un jour.


 


Vraiment ?


Oui. Malgré l'âge et les expériences, je n’ai toujours pas confiance en moi. Et puis de manière plus pragmatique, je pensais n'avoir jamais les moyens financiers pour arriver au bout de cette aventure. J'ai eu aussi la chance d'avoir été encouragée avant et pendant la course, par ma fille, mon compagnon, ma famille, mes amis, mes collègues. Tous ont cru en moi. Je crois même qu'ils y croyaient plus que moi ! Tous m’ont portée tout au long de cette aventure. Et voir en retour cette fierté et cette admiration dans leurs yeux, ça n’a pas de prix !


 


Qu'est ce qui a été le plus difficile pendant cette course ?


Les conditions de bivouac étaient particulièrement difficiles : les tempêtes de sable – dont une en pleine nuit le veille de la 3e étape, le manque d’hygiène, les nuits froides et inconfortables, les repas lyophilisés, la promiscuité. Tout ce qui nous rappelle que nous avons de la chance d’avoir notre petit confort au quotidien chez nous.


 


Y a-t-il eu des moments où vous avez voulu abandonner ?


Non à aucun moment ! Et pourtant, c'était difficile. Même après la seconde étape longue de 39 km, que j’ai terminé en presque 9h sous les rotules, où mes pieds étaient remplis d’ampoules, je n'ai rien lâché. Je pleurais pendant longtemps en me disant « je ne veux pas abandonner, je veux continuer, je veux aller au bout ! ». Puis les médecins bénévoles ont soigné mes pieds et j’ai pu repartir. J'ai cru que c'était la fin du calvaire. Je m'étais trompée. À chaque fin d’étape, j'ai dû endurer la même douleur. Mes pieds souffraient le martyre, mais je repartirais à chaque fois le lendemain…


 


Même durant la 4e étape ? (NDLR : Près de 90 km dans le désert, au travers de rocailles, de dunes, de djebels).


C'est vrai que cette étape a été particulièrement infernale. La peur et le doute se sont invités au départ, en plus de la douleur. Très vite, j'ai compris que seule, je n’y arriverais pas et que j'allais devoir compter sur l’aide des autres. J’ai partagé l’aventure du 13e au 77e kilomètre avec un couple de Canadiens. L'union fait la force.


 


Que retenez-vous au final de cette expérience ?


J'attendais que cette course soit un moment de partage, de solidarité, de respect, de bienveillance entre les participants et je n'ai pas été déçue. À chaque fois qu'un concurrent me doublait, il avait toujours un mot bienveillant pour moi. Certains m'ont même proposé de la crème solaire en voyant l'état de mes mollets.


À l’arrivée des étapes, tout le monde se félicite. J'ai rencontré beaucoup de gens issus de toutes les classes sociales, certains très friqués. Des personnes que je ne croise pas ou peu dans mon quotidien. Mais durant cette expérience, riche ou pauvre, nous étions tous au même niveau.


 


Le marathon des sables a-t-il changé votre manière de voir la vie ?


Oui et encore oui. C'est une aventure humaine hors du commun. Elle marque à vie. J'ai beaucoup appris sur moi, mais aussi sur les autres. On apprend à se passer du superflu, à se recentrer sur l’essentiel et ça fait un bien fou ! On se retrouve hors du temps avec huit inconnus à partager  une tente, alignés les uns à côté des autres. On vit ensemble, on souffre ensemble pendant une semaine, jour et nuit.


Au final, cette aventure m’a changé à l'intérieur. Désormais, je relativise mes problèmes. Je vois la vie et les gens autrement. De cette extraordinaire expérience, je retiendrais aussi que tout est possible, qu’il faut croire en ses rêves.



L'année prochaine serez-vous au départ du 34e marathon des sables ?


Non, j'ai besoin de prendre le temps de digérer tout ce que je viens de vivre. C'est une course tellement éprouvante physiquement et mentalement. Mais j’y retournerai un jour, pourquoi pas accompagnée d’un(e) ami(e), d’un membre de ma famille ou d’un(e) collègue et à qui j’aurais donné envie de vivre cette aventure. Je souhaite sincèrement à chacun de pouvoir un jour participer au marathon des sables.


 


Vous avez d'autres projets ?


Oui. J'aimerais en 2020 participer à l’Ultra Trail du Mont-Blanc. Une course longue de 170 km avec 10 000 mètres de dénivelé positif. Un truc de dingue ! Il y a beaucoup de demandes alors si le tirage au sort me le permet, j'irai gonflée à bloc. J'ai envie de vivre d'autres moments extraordinaires.


Nadir Dendoune

Nadir Dendoune