Affaire Amina Filali : Les Marocaines en colère

 Affaire Amina Filali : Les Marocaines en colère

Avant cette marche d’hier dimanche à Casablanca


Les Marocaines sont en colère et elles le font savoir. C’est hier dimanche que Casablanca a vu l’organisation de « la marche des Femmes Libres », des centaines d’entre elles ont battu le pavé, scandé des slogans demandant la réforme du code pénal et le respect des conventions internationales, dans un nouveau rebondissement de l’affaire Amina Filali. (Photo AFP)




 


Ce qui avait commencé comme un tragique fait divers prend de plus en plus les allures d’un drame national. L’affaire suscite les passions, comme l’illustre cette « marche des Femmes Libres » où on a pu voir côte à côte jeunes et moins jeunes, militants issus de divers horizons, des femmes au foyer, des artistes…


Des parlementaires étaient également de la partie, à l’image d’Ahmed Réda Chami, qui fut l’un des premiers à manifester son soutien au renforcement de la protection juridique des femmes contres les violences sexuelles, et à l’abrogation de l’article 475 du code pénal marocain, qui permet à un violeur d’épouser sa victime pour éviter la prison. « L’article de la honte » à l’origine du calvaire et du suicide d’Amina, âgée d’à peine 16 ans…


« Un grand nombre de ces mariages est pourtant réussi ! », témoigne Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme et de la Famille, lors d’une intervention. Une déclaration qui déclenche un tollé parmi les associatifs de tous bords, les militantes féministes plus que jamais déterminées à faire entendre leur voix.


« En permettant au violeur d’épouser sa victime, pour laver soi-disant l’honneur de la famille, la société et la justice sont condamnables », s’indigne la sociologue Soumaya Naâmane Guessous, lors d’une conférence organisée samedi dernier en présence de Bassima Hakkaoui. Devant la virulence des protestations, la ministre s’est faite conciliante, demandant aux associatifs de « juger son bilan au terme de son mandat ».


 


Une loi très complaisante


La société civile compte maintenir la pression. Quelques jours après sa création, le groupe facebook de « la marche des Femmes Libres » avoisine les 3 000 membres et continue d’attirer de plus en plus de sympathisants « sans distinction de convictions politiques, religieuses ou autres », tient à préciser la militante féministe Najiba Berrada, à l’origine de cette initiative.


Depuis le décès d’Amina, d’autres victimes mariées par force de loi avec leur violeur ont décidé de témoigner de l’absurdité de leur situation et surtout de sa cruauté. « Comment peut-on construire un foyer, une famille, sur la base d’un viol ? », s’interroge cette militante.


Pour tragique qu’elle soit, cette affaire a eu le mérite de mettre la société marocaine face à ses contradictions, entre traditions, religion et respect de la loi. Une loi jugée bien clémente pour les agresseurs sexuels qui, en cas de condamnation, risquent tout au plus une peine cinq ans de prison et 500 DH d’amende.


Devant les demandes insistantes de révision des articles incriminés, la ministre de la Femme et de la Famille n’a pas été en mesure de prendre position en faveur de ces réformes, ravivant encore plus l’ardeur des féministes qui sont déterminées à aller jusqu’au bout : « Nous souhaitons une réforme totale du code pénal, nous voulons le Printemps des femmes »…


Zakaria Boulahya

 

Zakaria Boulahya