Algérie- L’affaire de Lounes Matoub classée sans vraiment l’être

Douze ans de réclusion criminelle, c’est la peine retenue contre les deux accusés: Malek Medjnoun et Abdelhakim Chenoui dans l’affaire de l’assassinat de Lounes Matoub. Cette peine correspond à la durée qu’ils ont passée en détention provisoire.

C’est hier que le coup d’envoi du procès de l’assassinat de Matoub a été donné à Tizi Ouzou par le président du jury Mezaoucha Abdelhalim. Le procès avait été reporté à trois reprises en 2000, 2001 et 2008 à la demande de la famille du chanteur pour permettre un complément d’enquête et une reconstitution du crime. Mais treize ans après les faits, la lumière n’a pas été faite comme il se doit sur l’affaire.

Les faits

Cela fait douze ans qu’ils sont en prison, placés en détention provisoire dans l’attente du procès. Poursuivis pour « participation et complicité d’assassinat », Malik Medjnoun et Abdelhakim Chenoui étaient accusés d’avoir fait partie du groupe armé qui a assassiné le chanteur porte drapeau de la culture kabyle et fervent opposant du régime, le 25 juin 1998 à Tala Bouinane, à 5 km de Tizi Ouzou. Il avait alors 42 ans.

Seulement, dans la liste des accusés, une autre personne se trouve en ligne de mire à savoir Hassan Hattab, ex-chef du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui avait revendiqué son assassinat en mai 1999 et s’était par lui-même rendu en octobre 2007 aux autorités qui l’ont placé depuis en « lieu sûr ». Reste à dire que les deux condamnés sont les seules des dix personnes du commando armé à avoir été jugées : les huit autres sont en fuite ou ont été éliminées par les forces de sécurité.

Le verdict de l’assassinat du chanteur Matoub Lounès est tombé en fin d’après-midi. Le juge chargé de l’affaire, après délibération, a prononcé ce verdict de 12 ans de prison ferme à l’encontre des deux accusés, Medjnoun Malek et Chenoui Abdelhakim. Au regard de la justice donc, l’affaire Matoub est close. Le parquet, lui, avait requis la peine capitale.

Au début du procès, les deux accusés ont nié de fond en comble toutes les accusations portées à leur encontre : «Je n’ai aucun rapport avec l’affaire de l’assassinat de Matoub Lounès, ni de près ni de loin», a souligné Malek Medjnoun. De son côté, Abdelhakim Chenoui a souligné n’avoir jamais été associé à cette histoire.

Un procès houleux

Les deux hommes ont pratiquement purgé leur peine s’élevant à douze ans de réclusion correspondant au temps qu’ils ont déjà passé en prison, ceci à quelques mois près. Mais leur culpabilité est contestée. « Je ne suis pas content de ce verdict car mon client aurait dû être acquitté », a déclaré à l’AFP Me Ait Habib Boubekeur, avocat de Malik Madjnoun. « Il doit attendre encore huit mois pour sortir ». L’avocat d’Abdelhakim Chenoui, Me Amine Sidhoum, a lui aussi critiqué le verdict: « Le dossier étant vide, c’est un procès expéditif qui correspond à une fuite en avant », a-t-il estimé. La défense des deux hommes ainsi que la famille de la victime ont réclamé avec colère et insistance que les vrais commanditaires soient identifiés.

Le président du jury a appelé quatre témoins à la barre qui ont tous déclaré que le jour de l’attentat, le 25 juin 1998, Malek Medjnoun était dans un restaurant où il travaillait, au niveau de la rue de la Paix, dans la ville de Tizi Ouzou.
Les quatre témoins travaillaient avec lui dans ce restaurant en 1998, tous ont dit que Medjnoun n’a pas quitté le restaurant avant quinze heures. L’avocat de Malek Medjnoun a mis l’accent sur le fait qu’il n’y a aucune preuve tangible dans le dossier pour appuyer l’accusation contre leur client. L’avocat de Chenoui a aussi insisté sur le fait que le dossier de son client est vide et qu’il n’y a pas de preuve qui mette en cause son client.

La partie civile représentée par Malika Matoub, la sœur du chanteur, avait demandé la convocation de plusieurs témoins dont la ministre de la culture, Khalida Toumi, et Said Saadi, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, parti d’opposition) pour avoir déclaré que l’attentat avait été perpétré par des islamistes. Elle a également demandé que soit entendu Hassan Hattab qui a revendiqué l’assassinat.

Durant toute la journée, les séances ont été suspendues à plusieurs reprises. La famille a contesté en bloc le déroulement du procès ainsi que l’accusation. L’épouse de la victime, Nadia Matoub, s’est retirée de la séance. La sœur du chanteur, Malika Matoub a réclamé à cors et à cris à ce que toutes les personnes qui se sont prononcées dans cette affaire doivent être présentes pour apporter leurs témoignages. Elle avait envoyé auparavant une longue liste comportant plus de 50 noms. Requête qui a été déclarée nulle et non avenue par le juge qui a poursuivi la séance malgré les nombreuses interruptions.

Les appréhensions de la sœur du défunt Malika Matoub tournent autour du risque du classement du dossier pour qu’on ne connaisse à jamais «les vrais commanditaires et les vrais assassins» de son frère. Ce sont les explications qu’elle a livrées aux journalistes présents sur les lieux.

S. L.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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