Algérie – Les quotas de la discorde

 Algérie – Les quotas de la discorde

La présidente du Parti des Travailleurs Louisa Hanoune a elle aussi exprimé son désaccord sur le fait de réserver un quota de 30% aux femmes sur les listes électorales.

Les députés de la nation se rebiffent ! Eux qui, en 2008, n’ont pas hésité à voter à une écrasante majorité l’article de loi levant le verrou constitutionnel qui empêchait Bouteflika de s’offrir une présidence à vie, sont cette fois-ci montés sur leurs grands chevaux pour faire avorter un projet de loi obligeant les partis politiques à réserver un quota de 30% aux femmes sur leurs listes électorales.

Curieusement, ce sont des députés des partis proches du chef de l’Etat, le FLN et le MSP  (deux piliers de l’alliance présidentielle) ainsi que le PT de Louisa Hanoune qui, faisant cause commune avec les islamistes d’El Islah, tentent de faire barrage à un projet de loi initié, officiellement du moins, par… Bouteflika lui-même. Seuls les élus du RND ont fait preuve de discipline en prenant fait et cause pour le projet du gouvernement présidé par leur patron, Ahmed Ouyahia.

Montée au créneau du courant islamo-conservateur

Les arrière-pensées idéologiques expliquent-elles à elles seules cette montée au créneau du courant islamo-conservateur ?  Pourquoi alors cette union sacrée avec les trotskistes du PT qui, pourtant, ne partagent pas le projet de société défendu par leurs alliés du jour ?

Et l’argument de la peur des islamo-conservateurs de s’inscrire en faux contre le supposé conservatisme social des Algériens au risque de voir leur poids électoral fondre comme neige sous soleil ne tient pas vraiment la route. Car, en Algérie, les élections ont été de tout temps entachées de fraude. C’est la logique des quotas qui prédétermine le poids des partis et non pas la sanction urne.

Les islamistes et les ‘’barbéfelenes ‘’ savent, mieux que tous les autres, qu’ils doivent leur position ‘’dominante’’ sur l’échiquier politique algérien beaucoup plus à la bienveillance d’un Bouteflika saisi ces dernières années d’un accès de religiosité, qu’à leur adresse politique.

Aussi l’on ne peut que s’interroger sur les motivations profondes de cette opposition frontale des députés du FLN de Abdelaziz Belkhadem et du MSP d’Aboudjerra Soltani ainsi que du PT de Louisa Hanoune à une proposition de loi dont la paternité est attribuée à leur bienfaiteur, c’est-à-dire Abdelaziz Bouteflika.

A moins que ce texte favorable, dans la forme du moins, aux femmes est à mettre sur le compte du clan adverse, c’est-à-dire celui du Premier ministre Ahmed Ouyahia, le mouton noir des islamistes et conservateurs réunis.

Les associations féminines divisées

Autre curiosité algérienne : en plus des partis politiques, ce projet de loi divise jusqu’aux associations féminines. Celles proches du pouvoir, menées par Saïda Benhabyles, ont apporté leur soutien au gouvernement. Celles proches de l’opposition, ont fait part publiquement de leur réticences préférant réitérer leur revendication de l’abrogation d’un code de la famille qui fait de la femme « une mineure à vie ».

« Cette mesure n’a aucun sens tant que les droits des citoyens ne sont pas respectés, tant que la femme n’est pas considérée comme partie intégrante de la vie publique, comme individu à part entière. Quelle valeur peut avoir cette ‘’reconnaissance’’ et cette ‘’promotion’’ sans l’abrogation du code de la famille qui maintient la femme dans une infériorité infamante », s’est indignée la féministe Fadila Chitour sur les colonnes du journal El Watan. «L’on aura beau être députée, maire, wali, ministre et même présidente, l’on sera toujours considérée comme mineure tant que le code de la famille n’est pas abrogée, qu’il n’est pas remplacée par un code civil et égalitaire », a renchéri la présidente de l’association Djazairouna, Chérifa Kheddar.

L’observatoire des violences faites aux femmes, regroupant des présidentes d’associations de défense des droits des femmes et des féministes, est allé jusqu’à qualifier la proposition du gouvernement de « fiction idéologique à usage externe » et de « manœuvre dilatoire visant à masquer les violences juridiques, sociales et politiques contre les femmes ». « De notre point de vue, les propositions des quotas pour les femmes dans les assemblées élues ne sont qu’une arnaque politique », assène l’observatoire.

Loin d’être impressionné par cette levée de boucliers, le gouvernement ne semble pas être prêt à lâcher du lest. C’est le ministre de la Justice Tayeb Belaïz, un homme proche de Bouteflika, qui a été  envoyé dans l’arène parlementaire pour défendre le bienfondé du texte gouvernemental.

Après avoir rejeté d’un revers de main la proposition médiane de la commission juridique de l’Assemblée qui voulait réduire le quota de 30 à 20%, le représentant de l’Exécutif a dénoncé la « situation catastrophique » de la présence des femmes au sein des Assemblées élues avant de  s’exclamer : « Pourquoi les traditions et la religion ne sont mises en avant que quand il s’agit de la participation de la femme en politique ? ».

Et en fait, combien de femmes-ministres y a-t-il au sein du gouvernement ? Une toute petite poignée.

Yacine Ouchikh

Yacine Ouchikh