Cinéma – La source des femmes : un cadeau pour les Maghrébines

 Cinéma – La source des femmes : un cadeau pour les Maghrébines

Si le film de Radu Mihaileaunu a tout pour plaire aux féministes de tout bord

On ne peut que remercier Radu Mihaileanu pour son film « La source des femmes », pour la femme marocaine comme pour toutes les femmes qui endossent de lourdes responsabilités dans la dignité et souvent dans l’indifférence de l’homme. Il ne s’agit pourtant pas de diaboliser l’homme oriental mais de le mettre face à des réalités qui lui échappent à force d’être obnubilé par les traditions.

L’histoire du film est réelle. Il s’agirait d’un fait divers dans un village turc où des femmes, esquintées par la corvée d’eau, décident de faire la grève de l’amour pour obliger leurs hommes à trouver une solution à ce calvaire. Mais l’histoire n’est que le prétexte pour véhiculer un grand nombre de messages, somme toute, humains et compatissants vis-à-vis de la condition de la femme dans les régions enclavées, comme dans ce village du Maghreb.

Vécu de femmes

Le décor aurait pu être implanté dans n’importe quel autre pays oriental. Mais le choix de Radu Mihaileaunu était le bon. La géographie du village, la tradition musicale et de la danse de l’Atlas se sont prêtées à merveille à cette performance. En effet, « dans la tradition orientale, on ne dit pas les choses frontalement… du coup, beaucoup d’échanges se font par le chant, la poésie et la danse », explique le réalisateur franco-roumain. Ceci explique d’ailleurs l’absence d’affrontement direct entre les hommes et les femmes du dit village.

La sexualité est abordée sans aucune vulgarité. Son pouvoir, sa nature et ses travers sont distillés au fil de l’histoire sans verser dans la sensualité exacerbée. Aucune chance que l’on soit scandalisé par ce film. Sans violence non plus et très subtilement, le film aborde quelques problématiques de la société orientale traditionnelle telles que le mariage arrangé, la virginité, la violence et le viol conjugal, la sévérité des femmes envers elles-mêmes, le voile de la musulmane et l’application aveugle de la tradition.

La mauvaise interprétation de la religion est également présente à travers ce prêche qui condamne automatiquement toute rébellion de la femme. « J’ai particulièrement apprécié la manière dont Leila a réussi à intimider l’Imam en lui prouvant qu’en Islam la femme est l’égale de l’homme », commente une spectatrice. L’instrumentalisation de l’Islam pour assujettir la femme est évoquée de façon à ne pas juger sévèrement les islamistes, qui sont souvent eux-mêmes manipulés à des fins d’un autre genre.

Pour la femme mais pas contre l’homme

Si le film de Radu Mihaileaunu a tout pour plaire aux féministes de tout bord, il n’a pas pour vocation de heurter la sensibilité masculine. « Radu voulait dépeindre une communauté d’hommes caractérisée par une grande humanité et par les valeurs du partage et de l’amour, mais qui souffre du carcan de la tradition et du manque de connaissances », explique Leila Bekhti, héroïne de cette œuvre. En effet, en parallèle aux personnages violents et obtus, la compréhensibilité et la compassion des hommes ne sont pas rares et tranchent avec l’image machiste souvent relayée par la littérature occidentale. Le personnage de Sami, mari de Leila, est d’ailleurs d’une douceur infinie.

Hormis une légère différence dans les accents des actrices, le film a joliment déployé ses atouts. Un casting frais et convaincant, un scénario assez bien traduit et une documentation qui a permis une totale immersion dans la le vécu et la culture locaux, même si l’audace des femmes y est plus poussée qu’en réalité.

Dans la conjoncture sociopolitique actuelle et devant les défis que doivent relever les femmes du Maghreb, le film tombe à pic, donnant une image clémente de l’Islam et du texte du Coran qui est souvent interprété au premier degré, mais qui s’ouvre à toutes les lectures susceptible de faciliter la vie à l’Homme… et à la femme en particulier.

En salles, à partir du 2 novembre 2011.

Fedwa Misk

Fadwa Miadi