France. Sarkozy tente de rassurer les musulmans

 France. Sarkozy tente de rassurer les musulmans

En déplacement à la Grande Mosquée de Paris


Nicolas Sarkozy a rencontré les dirigeants de la communauté musulmane française hier mercredi à la Grande Mosquée de Paris. Venu pour inaugurer une plaque en mémoire des combattants musulmans, le président a voulu rassurer la communauté sur ses intentions. (Photo AFP)




 


Il savait que la récente polémique sur l’abattage rituel n’avait pas été du goût d’une communauté fatiguée de servir de bouc émissaire. En déplacement à la Grande Mosquée de Paris, tout juste 39 jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a voulu rassurer les musulmans « de leur place dans la République ».


Après avoir inauguré une très belle plaque commémorative en mémoire des combattants musulmans, le chef de l’État s’est exprimé. « J’ai voulu dire à nos compatriotes de confession musulmane qu’ils ont naturellement le droit de vivre leur foi comme n’importe quel citoyen a le droit de vivre sa religion, que nous souhaitons un islam de France ».


« Je leur ai dit également combien je souhaitais qu’en cette période électorale certains de nos compatriotes ne se sentent pas blessées par des polémiques qui n’ont pas lieu d’être ». Allusion au débat sur le halal lancé par la candidate du FN et bien relayé par le clan Sarkozy. Le chef de l’État avait déjà dénoncé cette polémique lors de sa visite au marché de Rungis le 21 février dernier. Dans la foulée, Claude Guéant l’avait relancée.


 


« Il faut rester vigilant »


Cette visite, Nicolas Sarkozy devait l’effectuer la semaine dernière. Mais en pleine polémique sur le halal, le chef de l’État avait préféré reporter sa venue en attendant que l’affaire se calme. Depuis, Nicolas Sarkozy a pris ses distances avec son ministre de l’Intérieur, et le Premier ministre François Fillon avait reçu les représentants des communautés juives et musulmanes à Matignon pour mettre fin à cette polémique.


Hier, le président s’est entretenu avec les dirigeants musulmans de France. À la fin de leur entrevue, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris a préféré prôner l’accalmie : « Je ne pense pas que les musulmans de France aient à s’inquiéter de la position fondamentale du gouvernement français, ou en tout cas, du président de la République, et de l’opinion française en général ».


Une position pas forcément partagée par Mohammed Moussaoui, président du CFCM et Salah Bellouti, président de l’Association des enfants des anciens combattants français musulmans. Ils appellent à la « vigilance ». « Il faut rester vigilant. Les déclarations de nature à enfoncer les musulmans ou à les blesser risquent de revenir », a déclaré M. Moussaoui avant de rajouter : « Il est important que les hommes politiques et les hauts responsables disent haut et fort leur respect et le respect de la République à tous leurs enfants ».


Salah Bellouti n’a pas mâché ses mots. Selon lui, les musulmans en « ont marre » d’être « stigmatisés » et considérés comme des « boucs émissaires » avant chaque élection présidentielle. Il a demandé aux dirigeants français de rassurer les musulmans dans la durée et pas seulement dans l’optique de récupérer quelques voix avant les élections.


En privé, Salah Bellouti a avoué regretter « l’influence de certains conseillers de Nicolas Sarkozy ».


 


Un électorat qui compte


Selon les dirigeants, le nombre d’électeurs musulmans en France est de 3,9 millions soit environ 9% de l’électorat. Une manne qui vaut son pesant d’or un mois avant les élections.


« Ils auront leur mot à dire. On a passé la consigne aux jeunes pour qu’ils s’inscrivent sur les listes électorales dès qu’ils ont 18 ans », a déclaré Salah Bellouti avant de préciser : « Nous leur expliquons que dans le contexte actuel et face à leurs difficultés pour trouver un travail, le seul levier, c’est la carte d’électeur ».


Dalil Boubakeur a préféré tempérer ces propos, en s’élevant contre la notion « d’électorat musulman ». « Nous ne savons pas ce qu’est le vote musulman », a-t-il rappelé. « Il y a des citoyens qui ont le droit de voter. Nous les encourageons à se comporter comme des électeurs à part entière qui jugeront selon leur conscience ».


Des propos qui relancent le débat sans fin sur l’existence ou non d’un vote communautaire. Quoi qu’il en soit, le déplacement de Nicolas Sarkozy à la Grande Mosquée de Paris n’est pas passé inaperçu. Mais à un peu plus d’un mois du premier tour, il sera très difficile pour le chef de l’État de faire oublier à la communauté musulmane de France tous les dérapages des mois précédents.


Jonathan Ardines




 

Jonathan Ardines