Le Maroc s’apprête à légaliser l’avortement

 Le Maroc s’apprête à légaliser l’avortement

« Le recours à l’avortement légal dans des cas extrêmes

Il s’agit d’une mesure à prendre dans les cas dits extrêmes uniquement, mais le tabou levé sur la question de l’avortement ne peut que marquer un tournant réel dans le traitement des affaires sociales concernant la femme.

Longtemps reportée des débats, la question de l’avortement hérissait les politiques de tout poil. Les associations féministes ne se leurraient pas. Entre l’indifférence, voire la lâcheté, des partis modernistes et le fougueux hermétisme des partis conservateurs, elles ne s’attendaient pas à ce que le débat intéresse un jour le législateur.

La question fut pourtant débattue pendant des années et des cas bien précis ont été étiquetés « aptes » à justifier l’avortement. Il s’agit de cas extrêmes. « Le recours à l’avortement légal dans des cas extrêmes, comme le viol, l’inceste ou les malformations profondes du fœtus, n’est plus un tabou. Il fait partie d’un agenda gouvernemental », déclarait vendredi dernier la ministre du Développement social et de la Famille Nouzha Skalli.

En effet,  la question est étudiée depuis des années. D’aucuns assurent que l’approche des élections ne serait pas étranger à cette accélération de procédure ou du moins à cette remise sur le tapis de dossiers qui intéressent les groupes féministes. Mais quelle différence cela fait-il pour ces femmes victimes qui doivent survivre à un drame et le payer de toute leur existence ? Le projet de loi est là et c’est tant mieux !

Crime et châtiment…

Les chiffres sont éloquents : entre 600 et 800 avortements médicalisés et 200 non médicalisés, sont pratiqués chaque jour au Maroc, selon les ONG. A ce propos, Nouzha Skalli précise qu’il y aurait « plusieurs centaines d’avortements illégaux par jour au Maroc. Ce qu’il faut savoir, c’est que jamais une femme ne recourt à l’avortement uniquement par caprice ». Merci Madame la ministre !

En effet, tous les prêcheurs de l’éthique sous-entendent que ces femmes se font avorter sur des sautes d’humeur alors que la plupart n’ont pas le choix. La responsabilité monoparentale, la difficulté de trouver du travail, l’impossibilité de refaire sa vie, tout cela serait surmontable si la stigmatisation de la mère célibataire et de son enfant ne prenait pas des formes cruelles d’exclusion, sous le masque de l’éthique religieuse.

« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », affirme à ce sujet le Pr Chafik Chraïbi. Ceci est la définition de l’OMS qu’il ne cesse de prôner au sein de l’association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC) afin que les mineures, les filles victimes d’inceste, de viols ou de pédophilie, puissent choisir ou pas de garder leur bébé.

Militant depuis des années contre les avortements clandestins et les conditions barbares dans lesquels ces actes sont réalisés, Pr Chraïbi fait un état des lieux sur le site de l’AMLAC en remerciant les acteurs publics et politiques qui le soutiennent, notamment le Parti de la Justice et du Développement !

Une loi humaine

La loi sur l’avortement devrait permettre de réaliser l’acte en toute légalité, mais surtout dans des mesures hygiéniques strictes. Car il est important de préciser que le risque de mort maternel est très important lors de ces opérations. Le risque pour les gynécologues n’est pas des moindres. « Le code pénal marocain punit d’une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200 à 500 DH, toute personne impliquée dans une tentative d’avortement ou l’ayant provoqué, avec ou sans le consentement de l’intéressée. Si mort s’en suit, la peine devient la réclusion de dix à vingt ans. Ces sanctions ne s’appliquent pas lorsqu’il s’agit de préserver la santé de la mère ».

Beaucoup de femmes seront sauvées grâce à cette loi, des personnes qui n’ont pas choisi d’être victimes de ces drames. Par contre, la majorité écrasante des femmes qui se sont trouvées enceintes, suite à un rapport consentant non protégé, devront attendre que la société soit plus clémente.

Fadwa Miadi