Maroc- Le lundi noir de Safi

Lundi 1er août, des incidents éclatent à nouveau dans la ville de Safi. Deux arrondissements de la ville sont brûlés et la totalité de leurs documents est détruite. Aucune perte humaine n’a été enregistrée, mais le bilan est lourd. Des dizaines de blessés parmi les manifestants et les agents de l’autorité et un climat lourd de menaces.

S’il est vrai que les mouvements protestataires des chômeurs se sont accentués partout au Maroc, se livrant des fois à des agissements à la limite du  banditisme, la situation que connaît la région de Safi est particulièrement critique.

Safi la marginale

On ne tarit pas d’éloge sur sa faune maritime, on en parle comme « capitale de la poterie » et bien qu’elle accueille un complexe Chimique appartenant au plus grand Groupe du Royaume, Safi ne brille pas par une dynamique de croissance particulière. La mise en arrêt d’une trentaine de conserveries de sardines, faisant plus de 7.500 chômeurs supplémentaires dans le courant d’avril, a évidemment enfoncé le clou de la crise dans le grand corps safiote malade.

Comme toutes les villes riveraines des sites OCP, Safi estime avoir des droits sur ce dernier. « Pas question de chômer lorsque l’entreprise la plus riche du pays fait comme chez elle dans la ville », commente un safiote sur un réseau social.

Les Coordinations des lauréats des instituts et l’alliance des fils du voisinage des phosphates se sont ainsi déplacés lundi dernier pour bloquer la voie au passage du train de phosphate.

Probablement encouragés par la réaction positive du Groupe phosphatier face aux émeutes de mars dernier à Khouribga, soldée par le lancement du projet OCP skills, mais également déçus de la minuscule part obtenue de cette offre d’emplois, les protestataires se sont opposés au passage du train de phosphate avant de se voir violement réprimés par les forces de l’ordre.

Très vite, un élan de solidarité des habitants se transforme en guerre des gangs à travers les quartiers populaires et démunis de la ville. Vers 17H00 de la même journée, des émeutiers se sont livrés à des actes de vandalisme, incendiant l’annexe administrative et le siège de l’arrondissement de la Sûreté, mettant à sac les lieux et détruisant les documents administratifs.

A la suite de ces actes, les services de sécurité ont procédé à l’arrestation de 16 personnes parmi les auteurs des troubles, dont deux mineurs ont été remis à leurs familles, en application des instructions du parquet général compétent, alors que les autres ont été placés en garde à vue pour enquête avant leur présentation à la justice.

Quoi qu’il en soit, la maladresse dont font preuve les autorités et la disparité notée dans la stratégie de gestion des protestations d’une ville à l’autre trahissent la passivité d’un gouvernement désormais en partance.

La confusion d’un gouvernement

« Les dérives survenues à Safi n’ont aucun rapport avec l’expression démocratique », a souligné le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, M. Khalid Naciri au lendemain des faits. L’amalgame est fait entre les manifestations pour la démocratie et les chômeurs aux revendications sociales.

Khalid Naciri parle également « de plumes qui s’élèvent, aujourd’hui, pour faire des reproches au gouvernement, disent que les autorités publiques n’assument pas leur responsabilité et appellent ces dernières à faire preuve de plus fermeté afin d’affirmer l’autorité de l’Etat« .

En effet, le gouvernement a fait preuve d’un laxisme étonnant vis-à-vis des comportements inciviques des chômeurs et des marchands ambulants. Mais à aucun moment, les forces de l’ordre n’ont hésité à matraquer les manifestants pour la démocratie qui ont déjà leur victime, Kamal Ammari péri à Safi, soulignent divers observateurs.

L’attitude du gouvernement est pour le moins confuse. Entre actions timides et silence radio, l’on se demande si Abbès Fassi et ses amis n’ont pas déjà démissionné dans leur tête.

En attendant les législatives anticipées et la mise en place d’un nouveau gouvernement, il reste à espérer que les incidents se calmeront… d’eux-mêmes.

Fedwa Misk

 

 

Fadwa Miadi