Tunisie. Dissensions au CPR, suite aux premières fuites sur la composition du nouveau gouvernement

 Tunisie. Dissensions au CPR, suite aux premières fuites sur la composition du nouveau gouvernement

Abderraouf Ayadi a refusé de devenir le chef de cabinet du président Marzouki

Hamadi Jebali, nouveau Premier ministre, a été officiellement chargé par le président intérimaire Marzouki dès mercredi de former un gouvernement provisoire. Lorsque fuitent dans l’après-midi d’hier jeudi les premières listes de ministres issus de deux des partis de la troïka majoritaire, c’est un véritable séisme qui secoue le CPR, le partage des portefeuilles ministériels révélant l’étonnante fragilité de la deuxième force politique du pays.

A l’issue de trois jours d’intenses tractations entre les partis de la coalition majoritaire à l’Assemblée constituante en vue de la formation d’un gouvernement de transition, la situation reste partiellement bloquée. Mais nous savons déjà avec certitude que pas moins de 14 ministres et secrétaires d’Etat seront issus d’Ettakatol et du CPR.

 

Liste des ministres Ettakatol (non officielle) :

Khayam Turki, ministre de Finances. Cet homme d’affaires a été chargé de la trésorerie de la campagne électorale de son parti. En outre, Reuters a relayé une info hier jeudi selon laquelle Turki n’est autre que le neveu de Mustapha Ben Jaâfar.

Abdelhay Chouikha, ministre de l’Economie.

Ilyes Fakhfakh, ministre du Commerce et du Tourisme.

Khalil Zaouia, numéro 2 du parti, sera le ministre des Affaires sociales.

Abderrahman Ladgham, ministre de la Santé.

Lobna Jéribi, ministre des Technologies de la Communication.

Thouraya Hammami, Secrétaire d’Etat à l’Industrie.

Ennahdha n’a pas encore rendu publique la liste de ses ministres, mais nous savons déjà par élimination que le parti islamiste héritera d’au moins deux ministères régaliens, dont l’Intérieur et les Affaires étrangères.

Si Ettakatol présente donc en interne une liste quasi définitive mais non officielle de ses cadres ministrables, révélant que le parti social-démocrate aura en charge les ministères nécessitant les compétences les plus techniques, le CPR a, quant à lui, présenté une liste qui s’est avérée non officielle seulement après enquête, et pour cause : sa présentation lors d’une réunion de crise à son siège a failli causer l’implosion du parti.

 

La liste des ministres CPR en question :

Dhamir Manai, Secrétaire d’état auprès du Ministre de l’Industrie, chargé de l’énergie et des mines. Il est diplômé de l’Université du Michigan (USA). Il est CEO et analyste de sécurité en chef de Cyber Security Lab 27, et a dirigé le département Infrastructures chez Tunisie Telecom. Il est au cœur d’une polémique sur le net, apparue aussitôt la nouvelle de sa candidature ébruitée, concernant de supposés arriérés impayés de pension alimentaire.

Zouhour Kourda, Ministre des affaires de la femme.

Mohamed Abbou, Ministre d’état auprès du 1er Ministre chargé de la réforme administrative.

Semir Ben Amor : Ministre des Domaines de l’Etat et de la propriété foncière.

Nasser Brahmi, Ministre de l’Education Nationale.

Abdesslem Chaabene : Ministre de la jeunesse et des sports.

Hédi Ben Abbes : Secrétaire d’Etat auprès du ministre des affaires étrangères.

 

Cafouillage au CPR décimé par des luttes intestines

Lorsque Marzouki démissionne lundi de la présidence de son parti pour s’installer à Carthage comme le veut la petite Constitution, le parti est aussitôt orphelin de la figure qui, jusqu’ici, rassemblait des cadres issus de backgrounds politiques hétéroclites. L’entité a en effet été initialement pensée en 2001 par Marzouki comme un « congrès », contraint à se réorganiser en parti politique à l’aube des premières élections libres.

Le numéro 2 du parti, l’avocat et droits-de-l’hommiste Abderraouf Ayadi profite alors de la vacance du pouvoir au sein du CPR pour s’autoproclamer, naturellement, pense-t-il, nouveau secrétaire général du CPR. Un geste qui n’est pas du goût du bureau politique du parti, déjà en froid avec ce membre.

C’est que le sémillant Ayadi mène depuis le début des travaux de l’Assemblée une fronde remarquée en son sein : en désaccord sur l’alliance voulue par la plupart des membres du bureau politique du CPR avec Ennahdha, il prend le leadership du groupe des 29 élus CPR et va jusque faire voter à 27 contre 2 contre la discipline de parti sur quelques textes de loi de l’organisation provisoire des pouvoirs.

Ultime coup de force, il présente aux médias dans la journée d’hier jeudi une liste de futurs ministres issus des élus CPR. Furieux, une majorité de membres du bureau politique plus proches de Marzouki et pro alliance avec Ennahdha dénoncent la non légitimité de la liste, et démentent même que Ayadi est le nouveau numéro 1 du parti.

En attendant le 8 janvier 2012, date du prochain congrès du parti, ils désignent Tahar Hmila comme secrétaire général du CPR, à 23h hier jeudi, à l’issue d’une réunion à laquelle Ayadi s’absente dénonçant un « renversement » et une « réunion illégale », ce qui lui vaut un blâme.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, le CPR menace d’éclater en deux courants, de retarder encore la composition du gouvernement, voire de mettre en péril la coalition au pouvoir à l’avenir, Ayadi ayant refusé de devenir le chef de cabinet du président Marzouki, préférant rester jouer les trouble-fêtes au parti.

Seif Soudani

Seif Soudani